Au printemps 2002, l'École Nationale de l'Humour (ENH) a lancé un appel à tous dans les médias afin de combler une pénurie de candidats pour son volet "auteurs". À l'époque, je travaillais pour une quincaillerie. C'était mon premier emploi sérieux, et j'étais sur le point de le lâcher, parce que la routine me rend fou.
Je ne savais pas que l'École de l'Humour formait des auteurs. En fait, je ne savais même pas que le métier d'auteur humoristique existait. Ayant grandi en regardant Yvon Deschamps et RBO, j'assumais que, comme eux, tous les humoristes écrivaient leurs propres textes.
Ceux qui désiraient s'inscrire au volet "auteurs" de l'ENH devaient soumettre deux textes humoristiques, soit un monologue et un dialogue. Je ne me considérais pas doué pour l'écriture ni pour l'humour, mais je me suis quand même prêté au jeu, question d'ajouter un peu de suspense à ma vie hautement répétitive.
Je ne connaissais rien aux procédés humoristiques, alors j'y suis allé au pif, en écrivant sur des comportements que je trouvais stupides. J'ai soumis un monologue intitulé "Les Ambulanciers Volontaires", où je dénonçais les fous du volant, et "Dialogue avec un Cochon", inspiré de ma conversation avec un policier insensible, après que j'aie frôlé la mort dans un accident d'auto.
Quelques semaines plus tard, j'ai été convoqué à une entrevue. Dans ma tête, j'imaginais que l'École de l'Humour était euh... une école. Une grosse bâtisse verte dont l'entrée était le sourire géant d'un bonhomme Juste Pour Rire. Mais c'était en fait des locaux anonymes, au troisième étage d'un édifice à bureaux, et à peine plus grand que mon appartement.
En attendant mon tour pour l'entrevue, j'observe les photos de finissants sur les murs. La plupart des autres candidats, eux, se connaissent déjà. Ils parlent des humoristes de la relève, dont les noms ne me disent absolument rien. Et quand un enseignant ou un membre de la direction passe, ils les saluent comme s'ils étaient de vieux amis.
Parce que la majorité des candidats avaient suivi les cours du soir à cette même école, avec ces mêmes enseignants et sous cette même direction. Moi, je ne savais même pas que ces cours du soir existaient mais, apparemment, c'est pratiquement un pré-requis pour quiconque veut s'inscrire au programme régulier.
L'heure de mon entrevue arrive enfin. On me demande quels humoristes j'admire. "Yvon Deschamps et RBO". Ensuite, quels humoristes je trouve mauvais. "Les Denis Drolet, les Mecs Comiques, Dominic et Martin. Je devrais peut-être pas dire ça, j'ai vu sur les photos qu'ils étaient tous passés par ici..."
À savoir pourquoi je veux devenir auteur humoristique, j'explique que j'ai un excellent emploi en ce moment, très stable et très bien rémunéré, mais que je me fous de l'argent et que je vais bientôt démissionner, que je sois accepté ou non à l'ENH. Et l'intervieweur, lui-même auteur, me répond que si l'argent ne m'intéresse pas, l'écriture est le bon métier pour moi.
Sur plus de cent candidats, l'école en accepte un maximum de 12. Voyant que les autres avaient beaucoup plus d'expérience et de contacts que moi, j'estime mes chances à exactement 0%. Mais je ne me décourage pas. Je me dis que je vais m'essayer à nouveau l'année suivante et qu'en attendant je pourrai suivre les cours du soir. J'aurai aussi un an de plus pour amasser le fameux 7000$ qu'il en coûtait, à cette époque, pour suivre la formation à temps plein.
Le lendemain de l'entrevue, l'ENH m'appelle, pour me dire que j'ai été accepté. Et que ce n'est pas une blague.
Imaginez comment les autres candidats devaient être poches pour se faire battre par un employé de quincaillerie...
Sunday, September 21, 2008
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