Le petit Justin était un enfant enjoué. Mais comme il n’avait ni frère, ni soeur, ni animaux domestiques et qu’il était encore trop jeune pour s’amuser avec son corps, il s’était lié d’amitié avec le vieux Hector qui, lui, était toujours prêt à jouer.
Dès que le petit Justin mettait les pieds dans la cour arrière de la maison, il y trouvait le vieux Hector qui l’attendait derrière le cabanon, raide comme une barre. Le petit Justin s’empressait alors de grimper sur le vieux Hector, qui le laissait faire à chaque fois, sans broncher.
Le petit Justin aimait particulièrement savourer ce qu’il appelait le “jus d’Hector”. Parce qu’après tout, le vieux Hector était un pommier…
À chaque automne, il donnait toutes ses feuilles au petit Justin pour qu’il puisse s’amuser avec et il lui donnait aussi toutes ses pommes, pour qu’il les apporte à sa mère et qu’elle en fasse assez de jus pour aider Justin à passer les longs mois d’hiver où il ne voyait presque jamais son ami.
Mais un bon matin de décembre où Justin dégustait son jus d’Hector, sa mère s’aperçut que quelque chose ne tournait pas rond. C’est que le petit Justin avait le coeur gros. Plus précisément, il souffrait d’une myocardite virale aigue. On l’amena d’urgence à l’hôpital.
Le cas du petit Justin était très grave. La seule chose qui pouvait le sauver était qu’on lui greffe un nouveau coeur. Mais les coeurs de rechange ne poussent pas dans les arbres. Il devait donc mettre son nom sur une liste et attendre son tour. Son seul réconfort était de voir que son nom montait sur la liste au fur et à mesure que ceux qui le devanceaient mourraient en attente de leur greffe.
La mère du petit Justin voulait qu’il survive le plus longtemps possible. C’est pourquoi elle refusait de le laisser manger la nourriture de l’hôpital. Elle lui préparait elle-même des petits plats à chaque jour, sans jamais oublier son jus de pommes maison, bien sûr.
À la mi-décembre, Justin écrivit au Père Noël pour lui demander un coeur en cadeau. Malheureusement, aucun des lutins du Père Noël n’avait le bon groupe sanguin. Si bien que Justin dû passer tout l’hiver à l’hôpital. À chaque jour, son état empirait.
Le printemps venu, il aurait bien voulu retourner jouer avec son ami, le vieux Hector, mais c’était impossible. Et comble de malheur, les réserves de jus d’Hector étaient maintenant épuisées. La mère de Justin essaya de lui faire boire d’autres jus de pommes, mais sans succès. Plus le temps avançait et plus l’ennui et la tristesse se lisaient sur le visage de l’enfant.
Un matin du mois de mars, la mère de Justin, désespérée, décida d’aller prendre l’air dans la cour arrière. Elle vit le vieux Hector, dans son coin, l’air songeur et décida d’aller lui parler. Elle se mit à genoux devant lui et l’implora de l’aider à trouver la force nécessaire pour continuer. Quand elle releva la tête, elle vit un objet rougeâtre au fond d’un trou dans le tronc d’Hector.
À sa grande surprise, il s’agissait d’une pomme, qui avait probablement été conservée en parfait état par le froid hivernal. Elle décida de ramener la pomme à son fils, dans l’espoir de lui redonner le sourire. L’après-midi même, elle l’apporta à l’hôpital.
Elle dit à Justin “j’ai trouvé cette pomme que tu avais cachée dans le tronc du pommier”. Justin répondit qu’il n’avait caché aucune pomme. Que ça devait être un cadeau du vieux Hector. Étonnée, la mère décida de mettre la pomme sur une tablette en vitre au-dessus du lit de Justin, pour qu’il puisse la voir en permanence, et penser à son ami, le pommier.
La nuit suivante, alors que Justin sommeillait, la pomme roula en bas de la tablette et tomba sur la tête du garçon. C’est alors qu’il eut une idée. Il décida de faire enlever cette tablette. Le lendemain, Justin demanda au médecin de lui transplanter la pomme en lieu et place de son cœur. Le médecin décida alors de diminuer sa médication. Devant le manque de compassion du médecin, Justin lui dit “vous aussi, vous auriez besoin d’un coeur”.
L’enfant expliqua qu’il s’agissait là d’une pomme magique et que c’était son seul espoir de guérison. Devant l’insistance et la conviction du petit Justin, et ne voyant aucune autre alternative, le médecin décida finalement de se laisser emporter par la douce folie du bambin et acquiessa à sa demande, faisant le pari farfelu que ça pouvait fonctionner. Il procéda à l’opération dans les minutes qui suivirent, et à son grand étonnement, tout se déroula sans pépin.
Le lendemain, les pommettes du petit Justin avaient pris une couleur rougeâtre. Ses cheveux se remplaceaient graduellement par des feuilles vertes. Et il paraît que les infirmières aimaient bien jouer avec sa tige. Justin a beaucoup mûri dans les jours qui ont suivi.
Sa vitesse de guérison en étonnait plus d’un. Une semaine après l’opération, il put retourner chez-lui. Il s’empressa alors d’aller remercier le vieux Hector de lui avoir redonné la vie. Mais le pommier était mort. La pomme trouvée au milieu de son tronc était son coeur.
Justin décida de ne pas s’en faire et de profiter de sa santé retrouvée. Et l’année qui suivit fut la plus belle de sa vie. Bien sûr, il se faisait taquiner à l’école, on l’appelait “coeur-de-pomme”, mais ces moqueries n’étaient rien comparées aux difficultés qu’il avait surmontées.
Toutefois, l’année suivante, Justin tomba malade une fois de plus. Il souffrait du ver du coeur. Mais comme il était le premier à profiter d’une greffe de pomme, personne ne savait comment le sauver et il mourut peu de temps après son admission à l’hôpital. On l’enterra au cimetière de la paroisse.
Le mère de Justin sombra aussitôt dans une profonde dépression. Elle passait toutes ses journées à pleurer à chaudes larmes, ce qui nuisait légèrement à son entreprise de télégrammes chantés.
Puis, un an jour pour jour après le décès du petit Justin, sa mère retourna au cimetière pour commémorer le triste anniversaire. Et quelle ne fût pas sa surprise lorsqu’elle vit qu’au-dessus de la tombe de l’enfant, un immense pommier avait poussé et qu’au bout de ses branches, pendaient des coeurs d’enfants qui battaient au vent en harmonie.
Ce qui règlait du coup les problèmes de greffes pour toujours. Enfin, les coeurs de rechange poussaient maintenant dans les arbres.
Wednesday, October 15, 2008
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