En informatique, au Secondaire, on devait se placer deux élèves par ordinateur. Alors, le jour du tout premier cours, comme je ne connaissais personne dans le groupe, j'ai attendu que toutes les équipes soient formées avant d'approcher qui que ce soit. Comme ça, si le nombre d'élèves était impair, je ferais équipe tout seul, ce qui était le scénario idéal. Et si le nombre d'élèves était pair, je me retrouverais logiquement jumelé à l'élève le moins sociable du groupe, ce qui était le deuxième meilleur scénario possible. Et c'est comme ça que j'ai connu Pascal.
Pascal avait une grande passion dans la vie: les avions. Et il aimait aussi la guerre. Pourquoi? Parce que dans la guerre, il y a des avions. Il était membre des cadets, avait toujours la tête rasée et portait, même à l'école, des bottes d'armée, des pantalons de camouflage et des "dog tags". Et ses passe-temps consistaient à construire des modèles réduits d'avions, aller voir des spectacles aériens, écouter des films de guerre, etc.
Notre école avait instauré un quinze minutes de lecture obligatoire à chaque jour. Et, tandis que moi j'en profitais pour feuilleter des magazines remplis de mannequins en sous-vêtements ou en bikini, Pascal, lui, lisait sa propre pornographie, soit des revues sur les avions et sur la guerre.
Par le biais de notre jumelage informatique, j'ai réussi à m'infiltrer dans les partys de cadets que Pascal organisait chez lui, et même à y inviter d'autres de mes amis. Toutes les filles que mes amis et moi avons connues en dehors de l'école, c'est grâce à Pascal. Le seul problème, c'est que c'était toutes des filles qui trippaient sur les avions.
Un jour, Pascal, son père et son petit frère ont déménagé dans la région de Montréal, pour que Pascal puisse étudier à l'École Nationale d'Aérotechnique. Et je suis moi-même déménagé à Montréal par la suite (en janvier 1998, pendant la crise du verglas!), un peu grâce à Pascal, parce qu'il connaissait un cadet qui se cherchait un co-loc.
Le cadet en question était surnommé "L'Affreux". Faut dire que son nom était Lafrenière, mais même sans ça, le surnom aurait été approprié. L'Affreux avait deux perruches qui criaient sans arrêt et m'empêchaient de dormir. Mais, trois semaines après mon arrivée, il y a eu un incendie au rez-de-chaussée et la fumée s'est répandue dans tout l'immeuble. Quand je suis entré dans l'appartement, j'ai trouvé les deux perruches mortes asphyxiées, une sur le bord de la porte et l'autre sur le bord de la fenêtre.
L'Affreux était triste, mais pas moi. Il disait qu'il ne pouvait pas vivre sans animal domestique. Je lui ai donc suggéré d'acquérir un chat, ce qu'il a fait. J'étais allergique aux chats, mais pas autant qu'aux cris de ses maudites perruches.
Quelques mois plus tard, quand L'Affreux et moi sommes partis vivre chacun de notre côté, il voulait que je garde le chat, mais moi je n'en voulais pas, alors je l'ai refilé à mon frère, qui venait de s'installer à Montréal lui aussi, un peu grâce à moi (et, par extension, à Pascal).
Mon frère possède encore le chat aujourd'hui, plus de dix ans plus tard. Et le chat porte toujours le nom qu'on lui avait donné à l'époque, Pascal et moi, et qui était le nom d'une danseuse nue.
(à suivre...)
Saturday, August 30, 2008
Wednesday, August 27, 2008
Mon troisième traumatisme
Celui-là, je m'en rappelle.
En bordure du terrain de jeu de ma première école primaire, mais d'un seul côté, il y avait une forte dénivellation vers le bas. Heureusement, des gens sensés avaient érigé une clôture dans cet escarpement, pour freiner la chute des enfants qui auraient la malchance d'y tomber et éviter ainsi qu'ils ne dévalent la pente au complet, pour terminer leur course contre le mur d'une des remises vertes qui se trouvaient plus bas, là où l'équipement d'entretien de l'école était entreposé.
Jeudi le 14 février 1985. Je suis en première année et c'est la Saint-Valentin. En bon enfant joyeux que je suis, je découpe des coeurs en papier rose et je profite de la récréation pour les distribuer aux autres élèves dans la cour d'école, en particulier à ceux qui semblent être tristes ou de mauvaise humeur.
Rapidement, ma tournée d'amour m'amène vers des garçons de deuxième année qui se chicanent. Je me fais aussitôt un devoir d'essayer de les calmer, même s'ils sont plus vieux que moi, en leur offrant mes coeurs magiques et en leur expliquant qu'il faut s'aimer en tout temps, mais encore plus aujourd'hui, puisque c'est la Saint-Valentin.
C'est à ce moment-là que le caïd du groupe, un dénommé Barbeau, s'est retourné vers moi, me rappelant de "fermer ma gueule", pour ensuite me pousser de toutes ses forces dans la pente qui était derrière moi. Et comme c'était l'hiver, il y avait de la neige par-dessus la clôture, ce qui veut dire que j'ai continué à dévaler la pente et à accélérer, jusqu'à ce que je frappe un mur. Littéralement. Le mur d'une des remises vertes.
Quand je me suis relevé, j'avais un bras cassé. La surveillante m'a amené à l'infirmerie où on l'a placé dans une écharpe, en attendant qu'on rejoigne mes parents, pour qu'ils viennent me chercher. Mais évidemment, c'était le seul jour de la semaine où ils étaient absents à cette heure-là. C'était jeudi, le jour de l'épicerie.
La secrétaire a essayé de me remonter le moral en me disant: "T'as quand même été chanceux dans ta malchance, c'est juste le bras gauche que tu t'es cassé. Au moins, tu vas pouvoir continuer à écrire et à dessiner." Et moi de répondre: "Je suis gaucher." Évidemment, puisqu'on se protège toujours instinctivement avec son bras dominant.
Cet événement a marqué la fin de mon innocence. Je n'ai plus jamais été le même par la suite. Le Dany joyeux et généreux était mort, pour faire place au Dany cynique et égoïste et à mon humour noir, toujours en vigueur près d'un quart de siècle plus tard.
D'ailleurs, je me suis inspiré de cette histoire pour écrire un de mes contes.
En bordure du terrain de jeu de ma première école primaire, mais d'un seul côté, il y avait une forte dénivellation vers le bas. Heureusement, des gens sensés avaient érigé une clôture dans cet escarpement, pour freiner la chute des enfants qui auraient la malchance d'y tomber et éviter ainsi qu'ils ne dévalent la pente au complet, pour terminer leur course contre le mur d'une des remises vertes qui se trouvaient plus bas, là où l'équipement d'entretien de l'école était entreposé.
Jeudi le 14 février 1985. Je suis en première année et c'est la Saint-Valentin. En bon enfant joyeux que je suis, je découpe des coeurs en papier rose et je profite de la récréation pour les distribuer aux autres élèves dans la cour d'école, en particulier à ceux qui semblent être tristes ou de mauvaise humeur.
Rapidement, ma tournée d'amour m'amène vers des garçons de deuxième année qui se chicanent. Je me fais aussitôt un devoir d'essayer de les calmer, même s'ils sont plus vieux que moi, en leur offrant mes coeurs magiques et en leur expliquant qu'il faut s'aimer en tout temps, mais encore plus aujourd'hui, puisque c'est la Saint-Valentin.
C'est à ce moment-là que le caïd du groupe, un dénommé Barbeau, s'est retourné vers moi, me rappelant de "fermer ma gueule", pour ensuite me pousser de toutes ses forces dans la pente qui était derrière moi. Et comme c'était l'hiver, il y avait de la neige par-dessus la clôture, ce qui veut dire que j'ai continué à dévaler la pente et à accélérer, jusqu'à ce que je frappe un mur. Littéralement. Le mur d'une des remises vertes.
Quand je me suis relevé, j'avais un bras cassé. La surveillante m'a amené à l'infirmerie où on l'a placé dans une écharpe, en attendant qu'on rejoigne mes parents, pour qu'ils viennent me chercher. Mais évidemment, c'était le seul jour de la semaine où ils étaient absents à cette heure-là. C'était jeudi, le jour de l'épicerie.
La secrétaire a essayé de me remonter le moral en me disant: "T'as quand même été chanceux dans ta malchance, c'est juste le bras gauche que tu t'es cassé. Au moins, tu vas pouvoir continuer à écrire et à dessiner." Et moi de répondre: "Je suis gaucher." Évidemment, puisqu'on se protège toujours instinctivement avec son bras dominant.
Cet événement a marqué la fin de mon innocence. Je n'ai plus jamais été le même par la suite. Le Dany joyeux et généreux était mort, pour faire place au Dany cynique et égoïste et à mon humour noir, toujours en vigueur près d'un quart de siècle plus tard.
D'ailleurs, je me suis inspiré de cette histoire pour écrire un de mes contes.
Mon second traumatisme
J'étais toujours un bébé, donc je n'en ai aucun souvenir.
Ma cousine jouait avec moi en me prenant dans ses bras, comme si j'étais une poupée. Une poupée qui seraient ensuite tombée par terre et dont la tête serait allée frapper violemment le sol.
Trois décennies plus tard, ma cousine se sent toujours coupable face à cet accident-là. Et elle m'en reparle pratiquement à chaque fois qu'elle me voit, ajoutant immanquablement qu'elle est surprise et soulagée de voir que je n'ai subi aucun dommage permanent. Mais est-ce vraiment le cas?
Ma cousine jouait avec moi en me prenant dans ses bras, comme si j'étais une poupée. Une poupée qui seraient ensuite tombée par terre et dont la tête serait allée frapper violemment le sol.
Trois décennies plus tard, ma cousine se sent toujours coupable face à cet accident-là. Et elle m'en reparle pratiquement à chaque fois qu'elle me voit, ajoutant immanquablement qu'elle est surprise et soulagée de voir que je n'ai subi aucun dommage permanent. Mais est-ce vraiment le cas?
Tuesday, August 26, 2008
Mon premier traumatisme
Quand on vit un traumatisme, il arrive parfois qu'on bloque carrément l'événement en question de sa mémoire. Ça pourrait expliquer pourquoi je n'ai aucun souvenir de la fin des années 70. Faut dire aussi que j'étais juste un bébé à cette époque-là. Chose certaine, contrairement à mes oublis plus récents, ceux de ma petite enfance ne sont pas attribuables à la consommation d'alcool. Malgré qu'avec des parents irresponsables, on sait jamais...
Selon la version officielle, ma mère s'apprêtait à me donner un bain quand, tout à coup, mon frère s'est mis à crier à tue-tête, dans une autre pièce de la maison, question d'attirer son attention. Elle quitta donc la salle de bains, me laissant seul, assis dans quelques centimètres d'eau, pour aller voir ce que mon frère avait. En attendant son retour, j'ai décidé de pratiquer le nouveau talent que je m'étais découvert, celui de me lever sur mes jambes.
Une fois debout, sachant que je ne pouvais tenir dans cette position que quelques secondes, j'ai cherché un objet auquel m'agripper. C'est à ce moment-là que j'ai remarqué le boyau de la douche téléphone, qui pendait devant moi, et que je m'y suis accroché. La pomme de douche s'est aussitôt décrochée sous la force de mon poids, et elle est allée cogner sur la manette d'eau chaude, la faisant couler à fort débit. Au même instant, je suis retombé et mon visage s'est retrouvé sous le jet d'eau brûlante.
En entendant mon cri de mort, ma mère est enfin revenue. Quand elle est arrivée, j'avais déjà la moitié de la tête brûlée et des lambeaux de peau qui me pendaient du visage. À l'hopital, les médecins craignaient initialement que je perde l'usage de mon oeil gauche, mais au bout de quelques jours, ce scénario a été écartée. Vous pouvez voir des photos de moi avec mes bandages ici.
Cette histoire explique peut-être pourquoi je suis bizarre aujourd'hui.
Selon la version officielle, ma mère s'apprêtait à me donner un bain quand, tout à coup, mon frère s'est mis à crier à tue-tête, dans une autre pièce de la maison, question d'attirer son attention. Elle quitta donc la salle de bains, me laissant seul, assis dans quelques centimètres d'eau, pour aller voir ce que mon frère avait. En attendant son retour, j'ai décidé de pratiquer le nouveau talent que je m'étais découvert, celui de me lever sur mes jambes.
Une fois debout, sachant que je ne pouvais tenir dans cette position que quelques secondes, j'ai cherché un objet auquel m'agripper. C'est à ce moment-là que j'ai remarqué le boyau de la douche téléphone, qui pendait devant moi, et que je m'y suis accroché. La pomme de douche s'est aussitôt décrochée sous la force de mon poids, et elle est allée cogner sur la manette d'eau chaude, la faisant couler à fort débit. Au même instant, je suis retombé et mon visage s'est retrouvé sous le jet d'eau brûlante.
En entendant mon cri de mort, ma mère est enfin revenue. Quand elle est arrivée, j'avais déjà la moitié de la tête brûlée et des lambeaux de peau qui me pendaient du visage. À l'hopital, les médecins craignaient initialement que je perde l'usage de mon oeil gauche, mais au bout de quelques jours, ce scénario a été écartée. Vous pouvez voir des photos de moi avec mes bandages ici.
Cette histoire explique peut-être pourquoi je suis bizarre aujourd'hui.
Sunday, August 24, 2008
Nicolas et moi
Il y a quatre ans, en attendant que ma carrière décolle, j'arrondissais les fins de mois en achetant et en revendant des vieux jeux vidéo par internet. À l'époque, sur Ebay, j'étais le deuxième plus gros vendeur de jeux Sega au Canada. J'avais des clients partout dans le monde, mais surtout aux États-Unis (le dollar canadien valait beaucoup moins cher dans ce temps-là, ce qui avantageait les Américains).
Quand un client de la grande région de Montréal m'achetait des jeux, il préférait presque toujours passer les chercher plutôt que de payer pour la livraison (l'essence valait beaucoup moins cher, elle aussi, dans ce temps-là). Un jour, j'ai eu un client qui habitait à Richelieu. Saint-Jean-sur-Richelieu? Saint-Marc? Non. Richelieu tout court. Il paraît que ça existe.
Ce client, qui s'appelait Nicolas, m'a donc contacté pour me demander si son père pouvait passer chercher les jeux chez moi. Évidemment, j'ai accepté. Et c'est comme ça que j'ai rencontré le père de Nicolas avant de le rencontrer lui-même. Mais on a continué à communiquer.
J'ai appris qu'il était étudiant. Et lui, que j'étais auteur. Ça l'intriguait. Je l'ai invité à venir voir le cabaret littéraire auquel je participais. Et en bon vendeur que j'étais, j'allais apporter d'autres jeux pour qu'il me les achète. Je lui ai donc demandé de m'envoyer une photo, afin que je puisse le reconnaître, ce qu'il a fait. Oh boy! Ça fessait. Il m'a expliqué que c'était une vieille photo et qu'il faisait moins dur aujourd'hui, quoiqu'il était toujours roux.
Le soir venu, un dimanche, j'arrive d'avance, comme toujours. Peu de temps après, je vois entrer un jeune homme nerveux. C'était clairement lui. Il était mineur mais, apparemment, quand tu mesures 6 pieds 2, t'as pas besoin d'attendre d'avoir 18 ans pour aller dans les bars. Il savait sûrement que j'étais celui qu'il cherchait mais, comme on souffrait tous les deux d'une timidité excessive, il a fallu plusieurs minutes avant qu'on se présente.
Nicolas a tellement aimé le cabaret littéraire qu'il s'est mis à y aller régulièrement, et à y traîner de plus en plus de ses amis, jusqu'à qu'ils composent la majorité des spectateurs. Il aimait mon style, et il a continué à venir me voir performer, un peu partout à Montréal, pendant des années. Jusqu'à ce qu'il parte pour la France, en fait. Et qu'à son retour, il tombe malade. Et qu'il meurt.
J'ai un gros spectacle en décembre. Le plus gros de ma vie, en fait. C'est sûr que Nicolas serait venu me voir. Alors, quand j'ai appris qu'il était mort, j'ai décidé qu'à ce spectacle, je ferais son numéro préféré et qu'en présentant ce numéro, je raconterais aux gens qui était Nicolas.
J'ai hâte, mais ça risque d'être difficile.
Quand un client de la grande région de Montréal m'achetait des jeux, il préférait presque toujours passer les chercher plutôt que de payer pour la livraison (l'essence valait beaucoup moins cher, elle aussi, dans ce temps-là). Un jour, j'ai eu un client qui habitait à Richelieu. Saint-Jean-sur-Richelieu? Saint-Marc? Non. Richelieu tout court. Il paraît que ça existe.
Ce client, qui s'appelait Nicolas, m'a donc contacté pour me demander si son père pouvait passer chercher les jeux chez moi. Évidemment, j'ai accepté. Et c'est comme ça que j'ai rencontré le père de Nicolas avant de le rencontrer lui-même. Mais on a continué à communiquer.
J'ai appris qu'il était étudiant. Et lui, que j'étais auteur. Ça l'intriguait. Je l'ai invité à venir voir le cabaret littéraire auquel je participais. Et en bon vendeur que j'étais, j'allais apporter d'autres jeux pour qu'il me les achète. Je lui ai donc demandé de m'envoyer une photo, afin que je puisse le reconnaître, ce qu'il a fait. Oh boy! Ça fessait. Il m'a expliqué que c'était une vieille photo et qu'il faisait moins dur aujourd'hui, quoiqu'il était toujours roux.
Le soir venu, un dimanche, j'arrive d'avance, comme toujours. Peu de temps après, je vois entrer un jeune homme nerveux. C'était clairement lui. Il était mineur mais, apparemment, quand tu mesures 6 pieds 2, t'as pas besoin d'attendre d'avoir 18 ans pour aller dans les bars. Il savait sûrement que j'étais celui qu'il cherchait mais, comme on souffrait tous les deux d'une timidité excessive, il a fallu plusieurs minutes avant qu'on se présente.
Nicolas a tellement aimé le cabaret littéraire qu'il s'est mis à y aller régulièrement, et à y traîner de plus en plus de ses amis, jusqu'à qu'ils composent la majorité des spectateurs. Il aimait mon style, et il a continué à venir me voir performer, un peu partout à Montréal, pendant des années. Jusqu'à ce qu'il parte pour la France, en fait. Et qu'à son retour, il tombe malade. Et qu'il meurt.
J'ai un gros spectacle en décembre. Le plus gros de ma vie, en fait. C'est sûr que Nicolas serait venu me voir. Alors, quand j'ai appris qu'il était mort, j'ai décidé qu'à ce spectacle, je ferais son numéro préféré et qu'en présentant ce numéro, je raconterais aux gens qui était Nicolas.
J'ai hâte, mais ça risque d'être difficile.
L'injustice de la mort
Quand quelqu'un que je connais meurt, je n'arrive jamais à le réaliser vraiment. J'ai toujours juste l'impression que c'est un canular de très mauvais goût et que la personne va revenir éventuellement. À date, mon parrain, deux de mes tantes et tous mes grands-parents sont morts. Mais, pour moi, la mort de Nicolas était plus marquante. Probablement parce qu'il était plus jeune que moi. 10 ans plus jeune. Il venait d'avoir 21 ans. J'en aurai 31 bientôt.
À 21 ans, je n'avais aucune idée de ce que je voulais faire dans la vie. Je venais juste de quitter mes parents pour aller tenter ma chance à Montréal, où j'ai erré d'un emploi à l'autre, jusqu'à ce que je trouve ma voie. C'est à 24 ans que j'ai décidé d'aller à l'École de l'Humour. Et encore, c'était plus pour essayer du nouveau que pour en faire un métier. J'ai seulement commencé à en vivre cette année.
À 21 ans, je n'avais aucune idée de ce que je voulais faire dans la vie. Je venais juste de quitter mes parents pour aller tenter ma chance à Montréal, où j'ai erré d'un emploi à l'autre, jusqu'à ce que je trouve ma voie. C'est à 24 ans que j'ai décidé d'aller à l'École de l'Humour. Et encore, c'était plus pour essayer du nouveau que pour en faire un métier. J'ai seulement commencé à en vivre cette année.
Depuis la mort de Nicolas, on dirait que je me sens un peu coupable d'être encore là. Pourquoi je mériterais une vie 10, 50, 75 ans plus longue que la sienne?
C'est frustrant de voir que des gens au comportement auto-destructeur - junkies, ivrognes, méga-obèses, fumeurs - vont vivre plus longtemps que lui. Et d'autres, en parfaite santé physique, vont choisir de s'enlever la vie. Ces années auxquelles ils vont renoncer, Nicolas aurait bien voulu les avoir.
De toute façon, il n'est sûrement pas mort pour vrai. Ce serait trop absurde.
Mais j'y ai presque cru, Nicolas. Sacré farceur!
Ma voisine de droite
J'ai vécu au-dessus d'un an dans mon appartement avant de voir ma voisine de droite pour la première fois. Je revenais du restaurant du coin, une poutine italienne à la main. Avant, je prenais toujours la poutine régulière, jusqu'au jour où ils ont remplacé la sauce à poutine par une sauce qui goûte la charogne, question que les clients commandent plutôt la poutine italienne, qui coûte un peu plus cher.
Donc, je montais l'escalier qui mène à mon appartement et, par le plus malheureux des hasards, ma voisine de droite était sur son balcon. Comme je m'apprêtais à manger, je ne voulais pas regarder cette masse immonde trop directement. Non seulement pour ne pas perdre mon appétit, mais aussi pour éviter que ma poutine refroidisse, au cas où ma voisine de droite aurait autant d'insignifiances à partager que mon voisin de gauche.
Une fois devant ma porte, je sors mes clefs et j'essaye de trouver la bonne et de débarrer ma porte au plus vite pour éviter la confrontation. Au même moment, ma voisine de droite marmonne à elle-même: "Ah, c'est lui mon nouveau voisin..." Je fais semblant de rien. J'aime pas ça les gens qui se parlent tout seuls. Même si, en général, j'aime mieux ça que les gens qui me parlent.
Ensuite, elle dit d'une voix forte et sur un ton autoritaire: "Eille, toé, viens icitte!" Le contraste est tellement bizarre que je ne peux m'empêcher de regarder en sa direction. Et c'est à ce moment-là que je vois qu'elle a un chat et que c'est à lui qu'elle parlait. Elle me dit: "Désolée, je voulais pas te faire peur." Puis, enfin, j'entre chez moi.
Le lendemain matin, je me fais à déjeuner dans la cuisine, quand j'entends du monde jaser. C'était ma voisine de droite et mon voisin de gauche, qui parlaient de chaque côté de ma fenêtre, qui était grande ouverte. Et ils parlaient de moi. Ma voisine de droite racontait à quel point je n'avais pas de classe, de respect, de savoir-vivre et mon voisin de gauche lui expliquait que j'étais gentil mais simplement très gêné.
Et moi, j'ai arrêté de me faire à déjeuner, le temps que cette conversation surréelle se termine, ma voisine de droite déclarant: "Si jamais je suis en détresse, j'irai pas chez eux pour demander de l'aide certain!"
Une autre bonne nouvelle.
Donc, je montais l'escalier qui mène à mon appartement et, par le plus malheureux des hasards, ma voisine de droite était sur son balcon. Comme je m'apprêtais à manger, je ne voulais pas regarder cette masse immonde trop directement. Non seulement pour ne pas perdre mon appétit, mais aussi pour éviter que ma poutine refroidisse, au cas où ma voisine de droite aurait autant d'insignifiances à partager que mon voisin de gauche.
Une fois devant ma porte, je sors mes clefs et j'essaye de trouver la bonne et de débarrer ma porte au plus vite pour éviter la confrontation. Au même moment, ma voisine de droite marmonne à elle-même: "Ah, c'est lui mon nouveau voisin..." Je fais semblant de rien. J'aime pas ça les gens qui se parlent tout seuls. Même si, en général, j'aime mieux ça que les gens qui me parlent.
Ensuite, elle dit d'une voix forte et sur un ton autoritaire: "Eille, toé, viens icitte!" Le contraste est tellement bizarre que je ne peux m'empêcher de regarder en sa direction. Et c'est à ce moment-là que je vois qu'elle a un chat et que c'est à lui qu'elle parlait. Elle me dit: "Désolée, je voulais pas te faire peur." Puis, enfin, j'entre chez moi.
Le lendemain matin, je me fais à déjeuner dans la cuisine, quand j'entends du monde jaser. C'était ma voisine de droite et mon voisin de gauche, qui parlaient de chaque côté de ma fenêtre, qui était grande ouverte. Et ils parlaient de moi. Ma voisine de droite racontait à quel point je n'avais pas de classe, de respect, de savoir-vivre et mon voisin de gauche lui expliquait que j'étais gentil mais simplement très gêné.
Et moi, j'ai arrêté de me faire à déjeuner, le temps que cette conversation surréelle se termine, ma voisine de droite déclarant: "Si jamais je suis en détresse, j'irai pas chez eux pour demander de l'aide certain!"
Une autre bonne nouvelle.
Mon voisin de gauche
Je le connais bien, mon voisin de gauche. Je le connais... bien malgré moi. À chaque fois que je sors de mon appartement, ce qui est quand même assez rare, il sort au même moment du sien, comme par hasard, et me fait la conversation. Déjà que par son poids, il est difficile à ignorer ou à contourner, en plus son appartement est situé entre le mien et l'escalier, ce qui fait de moi l'otage idéal.
Je commence à me demander s'il ne passe pas ses journées entières à écouter mes allées et venues à l'aide d'un stéthoscope collé au mur, et à se chercher un prétexte pour sortir en même temps que moi, question de me raconter les derniers détails croustillants de ses opérations aux genoux.
"Je l'entends, il prend sa douche! Ça veut dire qu'il va sortir bientôt! Vite, je dois trouver quelque chose à jeter dans la poubelle du balcon, si je veux lui bloquer le chemin. Il n'y verra que du feu! Faut absolument que je lui annonce que je me suis acheté un petit chien mongol..."
La dernière fois, c'était pour me dire qu'il déménageait. Il s'est chicané avec sa femme. Je sais pas comment elle a fait pour l'endurer aussi longtemps. Moi, je le vois peut-être deux fois par semaine, et ça fait longtemps que je suis tanné. Je gage qu'ils se séparent à cause du petit chien mongol qu'il vient d'acheter.
Je vais enfin être libre de sortir de chez moi sans craindre d'être attaqué.
Je commence à me demander s'il ne passe pas ses journées entières à écouter mes allées et venues à l'aide d'un stéthoscope collé au mur, et à se chercher un prétexte pour sortir en même temps que moi, question de me raconter les derniers détails croustillants de ses opérations aux genoux.
"Je l'entends, il prend sa douche! Ça veut dire qu'il va sortir bientôt! Vite, je dois trouver quelque chose à jeter dans la poubelle du balcon, si je veux lui bloquer le chemin. Il n'y verra que du feu! Faut absolument que je lui annonce que je me suis acheté un petit chien mongol..."
La dernière fois, c'était pour me dire qu'il déménageait. Il s'est chicané avec sa femme. Je sais pas comment elle a fait pour l'endurer aussi longtemps. Moi, je le vois peut-être deux fois par semaine, et ça fait longtemps que je suis tanné. Je gage qu'ils se séparent à cause du petit chien mongol qu'il vient d'acheter.
Je vais enfin être libre de sortir de chez moi sans craindre d'être attaqué.
2008: la mort d'un fan, la naissance d'un neveu
Si mes parents étaient en ville hier, c'est parce que mon frère organisait un shower pour la naissance prochaine de son fils. J'étais invité moi aussi, mais je n'y suis pas allé. Mêmes les cousines des États se sont déplacées pour l'occasion. Et moi qui habite sur la même ligne de métro que mon frère, j'ai préféré rester assis devant mon ordi.
J'évite les réunions familiales. J'évite les gens en général. Je ne les comprends pas et ils ne me comprennent pas non plus. Déficience sociale.
J'évite les réunions familiales. J'évite les gens en général. Je ne les comprends pas et ils ne me comprennent pas non plus. Déficience sociale.
Saturday, August 23, 2008
Le blogue d'un mort
Mardi soir dernier, j'arrive chez moi après une longue journée de brainstorm, la première depuis belle lurette. D'un geste machinal, je dépose ma casquette sur mon portemanteau, qui sert surtout de portecasquette, et j'appuie sur le gros bouton rond qui donne la vie à mon meilleur ami, 886, mon ordinateur.
Je l'ai appelé comme ça, parce que je l'ai acheté le 8 août 2006 (8-8-6) et parce que les ordinateurs pré-Pentium s'appelaient 286, 386 et 486, selon leur puissance (ou manque de puissance, en rétrospective). Je donne toujours un nom à mes ordinateurs. Le précédent c'était Dotcom et l'autre d'avant s'appelait Penty, parce que c'était mon premier Pentium.
Si vous ne l'aviez pas deviné, je suis un nerd.
Donc, je me branche sur Messenger pour voir si j'ai des e-mails (je déteste le mot "courriel"). Comme à l'habitude, quelques publicités et quatre messages qui essaient de me convaincre que je suis l'héritier d'un millionnaire du Burkina Faso. C'est la nouvelle mode, faut croire. Ils ont changé de stratégie quand ils ont compris que je ne voulais pas faire grossir mon pénis.
Ensuite, je vais faire un tour sur mon blogue. Tiens, quelqu'un a laissé un commentaire sur mon dernier billet. Sûrement le classique "Please click here. And here." Les commentaires sont tellement rares sur mon blogue, que même les spams sont bienvenus. Je ne les efface jamais.
Mais non, surprise, c'est un commentaire de Matthieu avec deux "t", un auteur que je n'ai pas vu depuis longtemps et qui dit simplement "Peux-tu m'écrire à mon adresse personnelle, s'il-te-plaît? Je ne suis pas certain d'avoir ton courriel... Merci." Comme toujours, je me mets à me poser toutes sortes de questions, à m'imaginer toutes sortes de scénarios. La dernière fois que je l'avais vu, il m'avait parlé de refaire une soirée avec les anciens du cabaret littéraire, c'est sûrement de ça qu'il veut me parler...
Je lui envoie le e-mail suivant, pour qu'il puisse me contacter : "Salut Dobble-Tee, j'ai juste une adresse et c'est celle-là. Tu veux m'envoyer des bêtises?" J'essayais d'être chummy, juste au cas. Je ferme 886 et je vais me coucher. Matthieu est un oiseau de nuit, alors j'aurai sans doute une réponse à mes questions en me levant le lendemain matin.
Et comme de fait, mercredi matin, j'avais un message de Matthieu. "Salut Dany. Malheureusement, ce sont de mauvaises nouvelles que je t'envoie. La mère de Nicolas m'a écrit parce qu'elle cherche à communiquer avec toi. Voici son message":
«Je me présente, je suis la mère de Nicolas, que vous avez sûrement déjà rencontré aux Auteurs du dimanche. J'essais de rejoindre Dany mais il n'y a pas d'adresse courriel sur son site. Malheureusement, je dois lui annoncer que mon fils Nicolas est décédé le 1er août dernier du cancer.
J'ai rencontré Dany ce printemps, au théâtre Corona avec Nicolas, lors d'un enregistrement d'émission. Nicolas communiquait avec Dany. Je dois aussi vous dire aussi que Nicolas aimait beaucoup vos livres et il les achetait tous. Pourriez-vous faire le message à Dany s.v.p. ? Je vous remercie à l'avance pour cette délicatesse.»
Je m'étais toujours demandé comment je le saurais si Nicolas devait mourir, puisque je n'étais pas en contact avec sa famille ni avec ses amis. J'avais seulement des nouvelles de lui quand je lui parlais sur Messenger ou quand il mettait du nouveau sur son blogue ou son Facebook. Et ça faisait plus d'un mois que Nicolas avait disparu du cyberespace.
J'annonce la nouvelle sur mon blogue, avant de partir pour une autre journée de brainstorm. Je viens d'apprendre que mon fan #1 est mort et maintenant je dois essayer de trouver des jokes. C'est ça la vie d'auteur.
Et finalement, en ce samedi après-midi, en attendant la visite de mes parents, je vais sur le premier blogue de Nicolas, celui que je n'ai jamais vraiment lu, constatant que tout ce qu'il me reste de lui, ce sont ses écrits. Et en voyant à quel point il mettait ses tripes dans ses textes, je trouve ma façon d'écrire trop terne et je décide de donner naissance à ce nouveau blogue.
Je l'ai appelé comme ça, parce que je l'ai acheté le 8 août 2006 (8-8-6) et parce que les ordinateurs pré-Pentium s'appelaient 286, 386 et 486, selon leur puissance (ou manque de puissance, en rétrospective). Je donne toujours un nom à mes ordinateurs. Le précédent c'était Dotcom et l'autre d'avant s'appelait Penty, parce que c'était mon premier Pentium.
Si vous ne l'aviez pas deviné, je suis un nerd.
Donc, je me branche sur Messenger pour voir si j'ai des e-mails (je déteste le mot "courriel"). Comme à l'habitude, quelques publicités et quatre messages qui essaient de me convaincre que je suis l'héritier d'un millionnaire du Burkina Faso. C'est la nouvelle mode, faut croire. Ils ont changé de stratégie quand ils ont compris que je ne voulais pas faire grossir mon pénis.
Ensuite, je vais faire un tour sur mon blogue. Tiens, quelqu'un a laissé un commentaire sur mon dernier billet. Sûrement le classique "Please click here. And here." Les commentaires sont tellement rares sur mon blogue, que même les spams sont bienvenus. Je ne les efface jamais.
Mais non, surprise, c'est un commentaire de Matthieu avec deux "t", un auteur que je n'ai pas vu depuis longtemps et qui dit simplement "Peux-tu m'écrire à mon adresse personnelle, s'il-te-plaît? Je ne suis pas certain d'avoir ton courriel... Merci." Comme toujours, je me mets à me poser toutes sortes de questions, à m'imaginer toutes sortes de scénarios. La dernière fois que je l'avais vu, il m'avait parlé de refaire une soirée avec les anciens du cabaret littéraire, c'est sûrement de ça qu'il veut me parler...
Je lui envoie le e-mail suivant, pour qu'il puisse me contacter : "Salut Dobble-Tee, j'ai juste une adresse et c'est celle-là. Tu veux m'envoyer des bêtises?" J'essayais d'être chummy, juste au cas. Je ferme 886 et je vais me coucher. Matthieu est un oiseau de nuit, alors j'aurai sans doute une réponse à mes questions en me levant le lendemain matin.
Et comme de fait, mercredi matin, j'avais un message de Matthieu. "Salut Dany. Malheureusement, ce sont de mauvaises nouvelles que je t'envoie. La mère de Nicolas m'a écrit parce qu'elle cherche à communiquer avec toi. Voici son message":
«Je me présente, je suis la mère de Nicolas, que vous avez sûrement déjà rencontré aux Auteurs du dimanche. J'essais de rejoindre Dany mais il n'y a pas d'adresse courriel sur son site. Malheureusement, je dois lui annoncer que mon fils Nicolas est décédé le 1er août dernier du cancer.
J'ai rencontré Dany ce printemps, au théâtre Corona avec Nicolas, lors d'un enregistrement d'émission. Nicolas communiquait avec Dany. Je dois aussi vous dire aussi que Nicolas aimait beaucoup vos livres et il les achetait tous. Pourriez-vous faire le message à Dany s.v.p. ? Je vous remercie à l'avance pour cette délicatesse.»
Je m'étais toujours demandé comment je le saurais si Nicolas devait mourir, puisque je n'étais pas en contact avec sa famille ni avec ses amis. J'avais seulement des nouvelles de lui quand je lui parlais sur Messenger ou quand il mettait du nouveau sur son blogue ou son Facebook. Et ça faisait plus d'un mois que Nicolas avait disparu du cyberespace.
J'annonce la nouvelle sur mon blogue, avant de partir pour une autre journée de brainstorm. Je viens d'apprendre que mon fan #1 est mort et maintenant je dois essayer de trouver des jokes. C'est ça la vie d'auteur.
Et finalement, en ce samedi après-midi, en attendant la visite de mes parents, je vais sur le premier blogue de Nicolas, celui que je n'ai jamais vraiment lu, constatant que tout ce qu'il me reste de lui, ce sont ses écrits. Et en voyant à quel point il mettait ses tripes dans ses textes, je trouve ma façon d'écrire trop terne et je décide de donner naissance à ce nouveau blogue.
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