Wednesday, August 27, 2008

Mon troisième traumatisme

Celui-là, je m'en rappelle.

En bordure du terrain de jeu de ma première école primaire, mais d'un seul côté, il y avait une forte dénivellation vers le bas. Heureusement, des gens sensés avaient érigé une clôture dans cet escarpement, pour freiner la chute des enfants qui auraient la malchance d'y tomber et éviter ainsi qu'ils ne dévalent la pente au complet, pour terminer leur course contre le mur d'une des remises vertes qui se trouvaient plus bas, là où l'équipement d'entretien de l'école était entreposé.

Jeudi le 14 février 1985. Je suis en première année et c'est la Saint-Valentin. En bon enfant joyeux que je suis, je découpe des coeurs en papier rose et je profite de la récréation pour les distribuer aux autres élèves dans la cour d'école, en particulier à ceux qui semblent être tristes ou de mauvaise humeur.

Rapidement, ma tournée d'amour m'amène vers des garçons de deuxième année qui se chicanent. Je me fais aussitôt un devoir d'essayer de les calmer, même s'ils sont plus vieux que moi, en leur offrant mes coeurs magiques et en leur expliquant qu'il faut s'aimer en tout temps, mais encore plus aujourd'hui, puisque c'est la Saint-Valentin.

C'est à ce moment-là que le caïd du groupe, un dénommé Barbeau, s'est retourné vers moi, me rappelant de "fermer ma gueule", pour ensuite me pousser de toutes ses forces dans la pente qui était derrière moi. Et comme c'était l'hiver, il y avait de la neige par-dessus la clôture, ce qui veut dire que j'ai continué à dévaler la pente et à accélérer, jusqu'à ce que je frappe un mur. Littéralement. Le mur d'une des remises vertes.

Quand je me suis relevé, j'avais un bras cassé. La surveillante m'a amené à l'infirmerie où on l'a placé dans une écharpe, en attendant qu'on rejoigne mes parents, pour qu'ils viennent me chercher. Mais évidemment, c'était le seul jour de la semaine où ils étaient absents à cette heure-là. C'était jeudi, le jour de l'épicerie.

La secrétaire a essayé de me remonter le moral en me disant: "T'as quand même été chanceux dans ta malchance, c'est juste le bras gauche que tu t'es cassé. Au moins, tu vas pouvoir continuer à écrire et à dessiner." Et moi de répondre: "Je suis gaucher." Évidemment, puisqu'on se protège toujours instinctivement avec son bras dominant.

Cet événement a marqué la fin de mon innocence. Je n'ai plus jamais été le même par la suite. Le Dany joyeux et généreux était mort, pour faire place au Dany cynique et égoïste et à mon humour noir, toujours en vigueur près d'un quart de siècle plus tard.

D'ailleurs, je me suis inspiré de cette histoire pour écrire un de mes contes.

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