L’ourson de l’amour s’appelait Valentino. Il avait toujours le cœur sur la main. C’était assez dégueulasse d'ailleurs… Il venait de St-Félicien, au Lac-St-Jean et il était en amour avec tout ce qui existait. La seule chose qu’il haïssait était la haine.
L’ourson de la haine, lui, haïssait tout. Et ce qu’il haïssait par-dessus tout, c’était les prophètes de l’amour. Son nom était Jason, c’était un ourson anglophone de Granby. Il avait été expulsé de son école primaire pour avoir attaqué le directeur avec des crayons de couleurs Crayola. Selon le rapport d’autopsie, le directeur avait été poignardé à 64 reprises par autant de couleurs différentes. Le coup fatal avait été porté par le Brun Placenta.
Cet événement avait rendu Jason insécure, à un point tel qu'il n'osait plus aller à l'école sans sa hache souillée de sang et son masque de gardien de but, ce qui rendait les autres élèves assez insécures à leur tour. Jason faisait règner un climat de terreur dans sa nouvelle école primaire. Il a même forcé la belle Ursule, qui fréquentait alors Valentino, a devenir SA blonde à lui.
Mais Valentino était convaincu que l’amour pouvait triompher de la violence. On organisa donc un combat à mort entre l’amour et la haine, pour voir lequel était le plus fort.
La confrontation eut lieu le 14 février, jour de la St-Valentin. Les deux oursons allaient se battre pour l'honneur, mais aussi pour le coeur de la belle Ursule. Conformément aux règlements de l’école primaire en matière de combats à mort, Jason et Valentino devaient se battre sur la colline derrière l’école, afin que la foule puisse voir le combat, sans qu’elle puisse intervenir.
Chaque pugiliste avait droit à son arme de prédilection. Jason avait sa fidèle hache, tandis que Valentino avait choisi comme arme des cœurs en carton avec des mots d'amour écrits dessus. Valentino était tellement confiant de l'emporter qu’il a laissé à Jason la chance de frapper en premier. Jason se fit un plaisir d’asséner un coup de hache dans le dos de Valentino. Valentino répliqua par un retentissant « Aimons-nous les uns les autres ». Jason ne fut pas ébranlé. Il ne comprenait pas le français. Il prit un élan et lança sa hache de toutes ses forces au cou de Valentino, qui dévala la colline pour aller choir au milieu de la foule.
Quand il s’est relevé, Valentino avait complètement perdu la tête. Un spectateur lui redonna sa tête, Valentino la replaça et, avec la rage dans les yeux, il remonta la pente et fonça vers Jason en criant "Je vais te tuer avec mes mains d’ours!" Mais il l'a dit en anglais, cette fois-ci, pour que Jason comprenne: "I’ll kill you with my bear hands!".
En entendant ça, Jason était mort de rire, ce qui concédait la victoire à Valentino qui, le soir même, s'offrit un pique-nique d'amoureux avec la belle Ursule, tous deux assis sur la dépouille de Jason. Et c'est depuis ce jour que la peau d'ours est un symbole de romantisme.
(vous trouverez ici l'événement derrière cette histoire)
Sunday, October 26, 2008
Wednesday, October 22, 2008
Crayon Essaye de Comprendre les Femmes
Elle est célibataire depuis longtemps.
Moi aussi.
Elle est hétéro.
Moi aussi.
Elle veut des enfants.
Moi aussi.
Elle est dans le début trentaine.
Moi aussi.
On se connaît depuis neuf ans.
On se voit à toutes les semaines.
On s'entend très bien ensemble.
Elle admire mon intégrité et ma détermination.
Elle me trouve beau.
Elle me trouve drôle.
Elle me trouve intelligent.
Elle me trouve talentueux.
Alors pourquoi ne veut-elle rien savoir de moi comme chum?
??????????????????????????????????
??????????????????????????????????
Elle a peur qu'on soit consanguins, ou quoi???
Moi aussi.
Elle est hétéro.
Moi aussi.
Elle veut des enfants.
Moi aussi.
Elle est dans le début trentaine.
Moi aussi.
On se connaît depuis neuf ans.
On se voit à toutes les semaines.
On s'entend très bien ensemble.
Elle admire mon intégrité et ma détermination.
Elle me trouve beau.
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Wednesday, October 15, 2008
Le Petit Justin
Le petit Justin était un enfant enjoué. Mais comme il n’avait ni frère, ni soeur, ni animaux domestiques et qu’il était encore trop jeune pour s’amuser avec son corps, il s’était lié d’amitié avec le vieux Hector qui, lui, était toujours prêt à jouer.
Dès que le petit Justin mettait les pieds dans la cour arrière de la maison, il y trouvait le vieux Hector qui l’attendait derrière le cabanon, raide comme une barre. Le petit Justin s’empressait alors de grimper sur le vieux Hector, qui le laissait faire à chaque fois, sans broncher.
Le petit Justin aimait particulièrement savourer ce qu’il appelait le “jus d’Hector”. Parce qu’après tout, le vieux Hector était un pommier…
À chaque automne, il donnait toutes ses feuilles au petit Justin pour qu’il puisse s’amuser avec et il lui donnait aussi toutes ses pommes, pour qu’il les apporte à sa mère et qu’elle en fasse assez de jus pour aider Justin à passer les longs mois d’hiver où il ne voyait presque jamais son ami.
Mais un bon matin de décembre où Justin dégustait son jus d’Hector, sa mère s’aperçut que quelque chose ne tournait pas rond. C’est que le petit Justin avait le coeur gros. Plus précisément, il souffrait d’une myocardite virale aigue. On l’amena d’urgence à l’hôpital.
Le cas du petit Justin était très grave. La seule chose qui pouvait le sauver était qu’on lui greffe un nouveau coeur. Mais les coeurs de rechange ne poussent pas dans les arbres. Il devait donc mettre son nom sur une liste et attendre son tour. Son seul réconfort était de voir que son nom montait sur la liste au fur et à mesure que ceux qui le devanceaient mourraient en attente de leur greffe.
La mère du petit Justin voulait qu’il survive le plus longtemps possible. C’est pourquoi elle refusait de le laisser manger la nourriture de l’hôpital. Elle lui préparait elle-même des petits plats à chaque jour, sans jamais oublier son jus de pommes maison, bien sûr.
À la mi-décembre, Justin écrivit au Père Noël pour lui demander un coeur en cadeau. Malheureusement, aucun des lutins du Père Noël n’avait le bon groupe sanguin. Si bien que Justin dû passer tout l’hiver à l’hôpital. À chaque jour, son état empirait.
Le printemps venu, il aurait bien voulu retourner jouer avec son ami, le vieux Hector, mais c’était impossible. Et comble de malheur, les réserves de jus d’Hector étaient maintenant épuisées. La mère de Justin essaya de lui faire boire d’autres jus de pommes, mais sans succès. Plus le temps avançait et plus l’ennui et la tristesse se lisaient sur le visage de l’enfant.
Un matin du mois de mars, la mère de Justin, désespérée, décida d’aller prendre l’air dans la cour arrière. Elle vit le vieux Hector, dans son coin, l’air songeur et décida d’aller lui parler. Elle se mit à genoux devant lui et l’implora de l’aider à trouver la force nécessaire pour continuer. Quand elle releva la tête, elle vit un objet rougeâtre au fond d’un trou dans le tronc d’Hector.
À sa grande surprise, il s’agissait d’une pomme, qui avait probablement été conservée en parfait état par le froid hivernal. Elle décida de ramener la pomme à son fils, dans l’espoir de lui redonner le sourire. L’après-midi même, elle l’apporta à l’hôpital.
Elle dit à Justin “j’ai trouvé cette pomme que tu avais cachée dans le tronc du pommier”. Justin répondit qu’il n’avait caché aucune pomme. Que ça devait être un cadeau du vieux Hector. Étonnée, la mère décida de mettre la pomme sur une tablette en vitre au-dessus du lit de Justin, pour qu’il puisse la voir en permanence, et penser à son ami, le pommier.
La nuit suivante, alors que Justin sommeillait, la pomme roula en bas de la tablette et tomba sur la tête du garçon. C’est alors qu’il eut une idée. Il décida de faire enlever cette tablette. Le lendemain, Justin demanda au médecin de lui transplanter la pomme en lieu et place de son cœur. Le médecin décida alors de diminuer sa médication. Devant le manque de compassion du médecin, Justin lui dit “vous aussi, vous auriez besoin d’un coeur”.
L’enfant expliqua qu’il s’agissait là d’une pomme magique et que c’était son seul espoir de guérison. Devant l’insistance et la conviction du petit Justin, et ne voyant aucune autre alternative, le médecin décida finalement de se laisser emporter par la douce folie du bambin et acquiessa à sa demande, faisant le pari farfelu que ça pouvait fonctionner. Il procéda à l’opération dans les minutes qui suivirent, et à son grand étonnement, tout se déroula sans pépin.
Le lendemain, les pommettes du petit Justin avaient pris une couleur rougeâtre. Ses cheveux se remplaceaient graduellement par des feuilles vertes. Et il paraît que les infirmières aimaient bien jouer avec sa tige. Justin a beaucoup mûri dans les jours qui ont suivi.
Sa vitesse de guérison en étonnait plus d’un. Une semaine après l’opération, il put retourner chez-lui. Il s’empressa alors d’aller remercier le vieux Hector de lui avoir redonné la vie. Mais le pommier était mort. La pomme trouvée au milieu de son tronc était son coeur.
Justin décida de ne pas s’en faire et de profiter de sa santé retrouvée. Et l’année qui suivit fut la plus belle de sa vie. Bien sûr, il se faisait taquiner à l’école, on l’appelait “coeur-de-pomme”, mais ces moqueries n’étaient rien comparées aux difficultés qu’il avait surmontées.
Toutefois, l’année suivante, Justin tomba malade une fois de plus. Il souffrait du ver du coeur. Mais comme il était le premier à profiter d’une greffe de pomme, personne ne savait comment le sauver et il mourut peu de temps après son admission à l’hôpital. On l’enterra au cimetière de la paroisse.
Le mère de Justin sombra aussitôt dans une profonde dépression. Elle passait toutes ses journées à pleurer à chaudes larmes, ce qui nuisait légèrement à son entreprise de télégrammes chantés.
Puis, un an jour pour jour après le décès du petit Justin, sa mère retourna au cimetière pour commémorer le triste anniversaire. Et quelle ne fût pas sa surprise lorsqu’elle vit qu’au-dessus de la tombe de l’enfant, un immense pommier avait poussé et qu’au bout de ses branches, pendaient des coeurs d’enfants qui battaient au vent en harmonie.
Ce qui règlait du coup les problèmes de greffes pour toujours. Enfin, les coeurs de rechange poussaient maintenant dans les arbres.
Dès que le petit Justin mettait les pieds dans la cour arrière de la maison, il y trouvait le vieux Hector qui l’attendait derrière le cabanon, raide comme une barre. Le petit Justin s’empressait alors de grimper sur le vieux Hector, qui le laissait faire à chaque fois, sans broncher.
Le petit Justin aimait particulièrement savourer ce qu’il appelait le “jus d’Hector”. Parce qu’après tout, le vieux Hector était un pommier…
À chaque automne, il donnait toutes ses feuilles au petit Justin pour qu’il puisse s’amuser avec et il lui donnait aussi toutes ses pommes, pour qu’il les apporte à sa mère et qu’elle en fasse assez de jus pour aider Justin à passer les longs mois d’hiver où il ne voyait presque jamais son ami.
Mais un bon matin de décembre où Justin dégustait son jus d’Hector, sa mère s’aperçut que quelque chose ne tournait pas rond. C’est que le petit Justin avait le coeur gros. Plus précisément, il souffrait d’une myocardite virale aigue. On l’amena d’urgence à l’hôpital.
Le cas du petit Justin était très grave. La seule chose qui pouvait le sauver était qu’on lui greffe un nouveau coeur. Mais les coeurs de rechange ne poussent pas dans les arbres. Il devait donc mettre son nom sur une liste et attendre son tour. Son seul réconfort était de voir que son nom montait sur la liste au fur et à mesure que ceux qui le devanceaient mourraient en attente de leur greffe.
La mère du petit Justin voulait qu’il survive le plus longtemps possible. C’est pourquoi elle refusait de le laisser manger la nourriture de l’hôpital. Elle lui préparait elle-même des petits plats à chaque jour, sans jamais oublier son jus de pommes maison, bien sûr.
À la mi-décembre, Justin écrivit au Père Noël pour lui demander un coeur en cadeau. Malheureusement, aucun des lutins du Père Noël n’avait le bon groupe sanguin. Si bien que Justin dû passer tout l’hiver à l’hôpital. À chaque jour, son état empirait.
Le printemps venu, il aurait bien voulu retourner jouer avec son ami, le vieux Hector, mais c’était impossible. Et comble de malheur, les réserves de jus d’Hector étaient maintenant épuisées. La mère de Justin essaya de lui faire boire d’autres jus de pommes, mais sans succès. Plus le temps avançait et plus l’ennui et la tristesse se lisaient sur le visage de l’enfant.
Un matin du mois de mars, la mère de Justin, désespérée, décida d’aller prendre l’air dans la cour arrière. Elle vit le vieux Hector, dans son coin, l’air songeur et décida d’aller lui parler. Elle se mit à genoux devant lui et l’implora de l’aider à trouver la force nécessaire pour continuer. Quand elle releva la tête, elle vit un objet rougeâtre au fond d’un trou dans le tronc d’Hector.
À sa grande surprise, il s’agissait d’une pomme, qui avait probablement été conservée en parfait état par le froid hivernal. Elle décida de ramener la pomme à son fils, dans l’espoir de lui redonner le sourire. L’après-midi même, elle l’apporta à l’hôpital.
Elle dit à Justin “j’ai trouvé cette pomme que tu avais cachée dans le tronc du pommier”. Justin répondit qu’il n’avait caché aucune pomme. Que ça devait être un cadeau du vieux Hector. Étonnée, la mère décida de mettre la pomme sur une tablette en vitre au-dessus du lit de Justin, pour qu’il puisse la voir en permanence, et penser à son ami, le pommier.
La nuit suivante, alors que Justin sommeillait, la pomme roula en bas de la tablette et tomba sur la tête du garçon. C’est alors qu’il eut une idée. Il décida de faire enlever cette tablette. Le lendemain, Justin demanda au médecin de lui transplanter la pomme en lieu et place de son cœur. Le médecin décida alors de diminuer sa médication. Devant le manque de compassion du médecin, Justin lui dit “vous aussi, vous auriez besoin d’un coeur”.
L’enfant expliqua qu’il s’agissait là d’une pomme magique et que c’était son seul espoir de guérison. Devant l’insistance et la conviction du petit Justin, et ne voyant aucune autre alternative, le médecin décida finalement de se laisser emporter par la douce folie du bambin et acquiessa à sa demande, faisant le pari farfelu que ça pouvait fonctionner. Il procéda à l’opération dans les minutes qui suivirent, et à son grand étonnement, tout se déroula sans pépin.
Le lendemain, les pommettes du petit Justin avaient pris une couleur rougeâtre. Ses cheveux se remplaceaient graduellement par des feuilles vertes. Et il paraît que les infirmières aimaient bien jouer avec sa tige. Justin a beaucoup mûri dans les jours qui ont suivi.
Sa vitesse de guérison en étonnait plus d’un. Une semaine après l’opération, il put retourner chez-lui. Il s’empressa alors d’aller remercier le vieux Hector de lui avoir redonné la vie. Mais le pommier était mort. La pomme trouvée au milieu de son tronc était son coeur.
Justin décida de ne pas s’en faire et de profiter de sa santé retrouvée. Et l’année qui suivit fut la plus belle de sa vie. Bien sûr, il se faisait taquiner à l’école, on l’appelait “coeur-de-pomme”, mais ces moqueries n’étaient rien comparées aux difficultés qu’il avait surmontées.
Toutefois, l’année suivante, Justin tomba malade une fois de plus. Il souffrait du ver du coeur. Mais comme il était le premier à profiter d’une greffe de pomme, personne ne savait comment le sauver et il mourut peu de temps après son admission à l’hôpital. On l’enterra au cimetière de la paroisse.
Le mère de Justin sombra aussitôt dans une profonde dépression. Elle passait toutes ses journées à pleurer à chaudes larmes, ce qui nuisait légèrement à son entreprise de télégrammes chantés.
Puis, un an jour pour jour après le décès du petit Justin, sa mère retourna au cimetière pour commémorer le triste anniversaire. Et quelle ne fût pas sa surprise lorsqu’elle vit qu’au-dessus de la tombe de l’enfant, un immense pommier avait poussé et qu’au bout de ses branches, pendaient des coeurs d’enfants qui battaient au vent en harmonie.
Ce qui règlait du coup les problèmes de greffes pour toujours. Enfin, les coeurs de rechange poussaient maintenant dans les arbres.
Monday, October 13, 2008
Comment suis-je devenu conteur?
C'est la question que je me pose à chaque fois, avant de monter sur scène. Je n'ai jamais voulu être conteur, mais c'est pourtant ce que je suis devenu. Moi, le gars qui déteste s'adresser à des étrangers et qui ne possède ni la formation, ni le talent requis pour interpréter un texte. Alors comment est-ce arrivé?
Comme je le racontais ici, j'ai été accepté comme auteur à l'École de l'Humour en 2002. Et, dans le cadre de notre formation, notre groupe devait écrire un numéro pour un humoriste connu. Et, cette année-là, on devait être jumelés à un grand humoriste au nom de famille ironique. Une collaboration qui semblait vouée à l'échec car, quelques semaines avant qu'elle ne débute, l'humoriste en question a subi une crise cardiaque, à l'âge de 34 ans.
Malgré tout, celui-ci s'est pointé à l'École de l'Humour, comme prévu, pour nous rencontrer. Et, comme nous étions des auteurs en devenir, il en a profité pour nous inviter au cabaret littéraire qu'il avait co-fondé et qui se déroulait au (maintenant défunt) bar L'Intrus.
Des dix élèves du groupe, je suis le seul à avoir accepté l'invitation. Et, après le spectacle, comme j'étais soûl mort et, par le fait même, trop confiant, j'ai donné mon nom pour faire partie d'une prochaine soirée, c'est-à-dire écrire un texte en une semaine sur un thème pigé au hasard et venir lire le résultat à l'avant. Et comme il y avait pénurie d'auteurs à ce moment-là, ils ont accepté.
J'ai participé une vingtaine de fois à ce cabaret littéraire au fil des ans. Et, éventuellement, quelqu'un m'y a remarqué et il m'a invité à participer aux soirées de contes qu'il animait au bar Vices et Versa, dont la prochaine se tiendrait le lundi 6 décembre 2004. Comme je participais déjà au spectacle qui devait avoir lieu la veille, soit le dimanche 5 décembre, à L'Intrus, j'ai décidé de faire un texte sous forme de conte, pour qu'il puisse être lu aux deux endroits. Ou, plutôt, lu à L'Intrus et récité par coeur, le lendemain, au Vices et Versa. Parce que, apparemment, dans les soirées de contes, on ne peut pas lire son texte.
Le thème de la semaine au cabaret littéraire était "pomme". On avait une semaine pour écrire notre texte, mais j'attendais toujours la veille ou la journée même du spectacle pour le faire. Le samedi, donc, je cherchais des idées pour mon numéro, tandis que la télévision diffusait le Téléthon de la recherche sur les maladies infantiles. J'ai donc fait le lien entre "pomme" et "enfants malades", ce qui a donné un texte où un petit garçon qui a besoin d'un nouveau coeur se fait plutôt greffer une pomme.
J'ai pensé appeler le héros de mon histoire "le petit Émile", en l'honneur du petit Émile Jutras qui était devenu, en 2002, le visage des enfants dans l'attente d'une greffe au Québec. Ensuite, j'ai pensé l'appeler "Richard Coeur-de-pomme" (en référence à Richard Coeur-de-lion), mais en faisant une petite recherche sur Google, j'ai vu qu'une histoire portant ce titre existait déjà. Même si l'histoire en question n'avait rien à voir avec la mienne, j'ai changé mon titre. Je me suis dit que l'hôpital Sainte-Justine était synonyme d'enfants malades, alors j'ai appelé mon garçon "le petit Justin".
Fidèle à mon style, j'ai utilisé un sujet grave pour essayer de faire rire. J'ai lu "Le Petit Justin", comme prévu, le dimanche soir, à L'Intrus. Mais, contrairement à l'habitude, les spectateurs n'ont pas ri. Aucune réaction. L'indifférence totale. Autrement dit, je me suis planté. Mauvais timing car, ce soir-là, le spectacle était filmé pour une émission de télévision (dont j'ai finalement été coupé au montage).
Comme le spectacle au Vices et Versa avait lieu le lendemain, je n'avais pas vraiment le temps ni le goût d'écrire un autre texte et de l'apprendre en plus. J'ai donc utilisé la journée du lundi pour mémoriser "Le Petit Justin". Pour la première fois, j'allais réciter un texte par coeur, plutôt que de le lire sur scène. Je n'avais jamais assisté à une soirée de contes auparavant et je n'avais aucune idée de quoi ça avait l'air.
J'ai fait exactement le même numéro que la veille, à la virgule près, à la seule différence que je n'avais pas mon texte avec moi. Je récitais tout simplement les phrases, les unes après les autres, comme j'avais l'habitude de les lire, c'est-à-dire sans y mettre la moindre intonation. Comme un enfant du primaire qui fait un exposé oral.
Et cette performance a été un succès phénoménal. Les spectateurs trouvaient hilarante ma non-interprétation, pensant que je me forçais pour jouer ainsi, alors que c'était plutôt une absence totale de jeu. Plusieurs m'ont dit, après le spectacle: "c'est bon ton personnage". Et quand je répondais, le plus sérieusement du monde, que ce n'était pas un personnage, ils disaient "wow, tu décroches jamais!"
Ce soir-là, la conteuse vedette était aussi l'organisatrice des principaux festivals de contes à Montréal, auxquels elle m'a fait participer. Je suis même devenu le conteur maison du Vices et Versa, en plus de me produire dans des tas d'autres salles, à Montréal et en dehors. "Le Petit Justin" est rapidement devenu mon conte le plus populaire. Mais, si ce n'avait été de la contrainte du temps, je ne l'aurais probablement jamais refait après mon échec à L'Intrus.
J'ai toujours considéré que je n'avais aucun talent pour l'interprétation, mais que la qualité de mes textes compensait. Et, depuis l'an dernier, comble de l'ironie, je suis conteur dans un restaurant, où je raconte des histoires qui ne sont même pas écrites par moi. Le pire des deux mondes, donc, pour les spectateurs. Comme si on demandait à Luc Plamondon de chanter les chansons de Jean-Jacques Goldman. C'est sûr qu'il dirait non.
Mais moi, j'ai besoin d'argent. Alors c'est comme ça que je suis devenu conteur.
Comme je le racontais ici, j'ai été accepté comme auteur à l'École de l'Humour en 2002. Et, dans le cadre de notre formation, notre groupe devait écrire un numéro pour un humoriste connu. Et, cette année-là, on devait être jumelés à un grand humoriste au nom de famille ironique. Une collaboration qui semblait vouée à l'échec car, quelques semaines avant qu'elle ne débute, l'humoriste en question a subi une crise cardiaque, à l'âge de 34 ans.
Malgré tout, celui-ci s'est pointé à l'École de l'Humour, comme prévu, pour nous rencontrer. Et, comme nous étions des auteurs en devenir, il en a profité pour nous inviter au cabaret littéraire qu'il avait co-fondé et qui se déroulait au (maintenant défunt) bar L'Intrus.
Des dix élèves du groupe, je suis le seul à avoir accepté l'invitation. Et, après le spectacle, comme j'étais soûl mort et, par le fait même, trop confiant, j'ai donné mon nom pour faire partie d'une prochaine soirée, c'est-à-dire écrire un texte en une semaine sur un thème pigé au hasard et venir lire le résultat à l'avant. Et comme il y avait pénurie d'auteurs à ce moment-là, ils ont accepté.
J'ai participé une vingtaine de fois à ce cabaret littéraire au fil des ans. Et, éventuellement, quelqu'un m'y a remarqué et il m'a invité à participer aux soirées de contes qu'il animait au bar Vices et Versa, dont la prochaine se tiendrait le lundi 6 décembre 2004. Comme je participais déjà au spectacle qui devait avoir lieu la veille, soit le dimanche 5 décembre, à L'Intrus, j'ai décidé de faire un texte sous forme de conte, pour qu'il puisse être lu aux deux endroits. Ou, plutôt, lu à L'Intrus et récité par coeur, le lendemain, au Vices et Versa. Parce que, apparemment, dans les soirées de contes, on ne peut pas lire son texte.
Le thème de la semaine au cabaret littéraire était "pomme". On avait une semaine pour écrire notre texte, mais j'attendais toujours la veille ou la journée même du spectacle pour le faire. Le samedi, donc, je cherchais des idées pour mon numéro, tandis que la télévision diffusait le Téléthon de la recherche sur les maladies infantiles. J'ai donc fait le lien entre "pomme" et "enfants malades", ce qui a donné un texte où un petit garçon qui a besoin d'un nouveau coeur se fait plutôt greffer une pomme.
J'ai pensé appeler le héros de mon histoire "le petit Émile", en l'honneur du petit Émile Jutras qui était devenu, en 2002, le visage des enfants dans l'attente d'une greffe au Québec. Ensuite, j'ai pensé l'appeler "Richard Coeur-de-pomme" (en référence à Richard Coeur-de-lion), mais en faisant une petite recherche sur Google, j'ai vu qu'une histoire portant ce titre existait déjà. Même si l'histoire en question n'avait rien à voir avec la mienne, j'ai changé mon titre. Je me suis dit que l'hôpital Sainte-Justine était synonyme d'enfants malades, alors j'ai appelé mon garçon "le petit Justin".
Fidèle à mon style, j'ai utilisé un sujet grave pour essayer de faire rire. J'ai lu "Le Petit Justin", comme prévu, le dimanche soir, à L'Intrus. Mais, contrairement à l'habitude, les spectateurs n'ont pas ri. Aucune réaction. L'indifférence totale. Autrement dit, je me suis planté. Mauvais timing car, ce soir-là, le spectacle était filmé pour une émission de télévision (dont j'ai finalement été coupé au montage).
Comme le spectacle au Vices et Versa avait lieu le lendemain, je n'avais pas vraiment le temps ni le goût d'écrire un autre texte et de l'apprendre en plus. J'ai donc utilisé la journée du lundi pour mémoriser "Le Petit Justin". Pour la première fois, j'allais réciter un texte par coeur, plutôt que de le lire sur scène. Je n'avais jamais assisté à une soirée de contes auparavant et je n'avais aucune idée de quoi ça avait l'air.
J'ai fait exactement le même numéro que la veille, à la virgule près, à la seule différence que je n'avais pas mon texte avec moi. Je récitais tout simplement les phrases, les unes après les autres, comme j'avais l'habitude de les lire, c'est-à-dire sans y mettre la moindre intonation. Comme un enfant du primaire qui fait un exposé oral.
Et cette performance a été un succès phénoménal. Les spectateurs trouvaient hilarante ma non-interprétation, pensant que je me forçais pour jouer ainsi, alors que c'était plutôt une absence totale de jeu. Plusieurs m'ont dit, après le spectacle: "c'est bon ton personnage". Et quand je répondais, le plus sérieusement du monde, que ce n'était pas un personnage, ils disaient "wow, tu décroches jamais!"
Ce soir-là, la conteuse vedette était aussi l'organisatrice des principaux festivals de contes à Montréal, auxquels elle m'a fait participer. Je suis même devenu le conteur maison du Vices et Versa, en plus de me produire dans des tas d'autres salles, à Montréal et en dehors. "Le Petit Justin" est rapidement devenu mon conte le plus populaire. Mais, si ce n'avait été de la contrainte du temps, je ne l'aurais probablement jamais refait après mon échec à L'Intrus.
J'ai toujours considéré que je n'avais aucun talent pour l'interprétation, mais que la qualité de mes textes compensait. Et, depuis l'an dernier, comble de l'ironie, je suis conteur dans un restaurant, où je raconte des histoires qui ne sont même pas écrites par moi. Le pire des deux mondes, donc, pour les spectateurs. Comme si on demandait à Luc Plamondon de chanter les chansons de Jean-Jacques Goldman. C'est sûr qu'il dirait non.
Mais moi, j'ai besoin d'argent. Alors c'est comme ça que je suis devenu conteur.
Thursday, October 9, 2008
As-tu du feu?
Quand quelqu'un, dans la rue, me demande si j'ai du feu, je me sens insulté. Parce que ça veut dire qu'à leurs yeux, j'ai l'air assez stupide pour fumer.
Monday, October 6, 2008
Barbe Rousse
Souvent, quand un important changement survient dans la vie d'une fille, elle change sa coupe ou sa couleur de cheveux, pour souligner la rupture avec sa vie précédente. Mais, avec une calvitie comme la mienne, le changement d'apparence ne relève pas du domaine capillaire.
La dernière fois que j'ai vu Nicolas, il avait perdu tous ses cheveux roux, à cause de la chimiothérapie. Ça me rassurait de voir un gars plus chauve et plus jeune que moi. Quand j'ai appris cet été que la cancer avait gagné son combat contre Nicolas, j'ai instinctivement cessé de me raser. Pour la première fois de ma vie, je porte maintenant la barbe.
Ce week-end, mes parents étaient de passage à Montréal. Comme j'ai les cheveux bruns, ma mère m'a demandé comment ça se fait que j'ai une barbe rousse. Et, sans y penser, j'ai répondu que c'était à cause de Nicolas.
La dernière fois que j'ai vu Nicolas, il avait perdu tous ses cheveux roux, à cause de la chimiothérapie. Ça me rassurait de voir un gars plus chauve et plus jeune que moi. Quand j'ai appris cet été que la cancer avait gagné son combat contre Nicolas, j'ai instinctivement cessé de me raser. Pour la première fois de ma vie, je porte maintenant la barbe.
Ce week-end, mes parents étaient de passage à Montréal. Comme j'ai les cheveux bruns, ma mère m'a demandé comment ça se fait que j'ai une barbe rousse. Et, sans y penser, j'ai répondu que c'était à cause de Nicolas.
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