Il y a quatre ans, en attendant que ma carrière décolle, j'arrondissais les fins de mois en achetant et en revendant des vieux jeux vidéo par internet. À l'époque, sur Ebay, j'étais le deuxième plus gros vendeur de jeux Sega au Canada. J'avais des clients partout dans le monde, mais surtout aux États-Unis (le dollar canadien valait beaucoup moins cher dans ce temps-là, ce qui avantageait les Américains).
Quand un client de la grande région de Montréal m'achetait des jeux, il préférait presque toujours passer les chercher plutôt que de payer pour la livraison (l'essence valait beaucoup moins cher, elle aussi, dans ce temps-là). Un jour, j'ai eu un client qui habitait à Richelieu. Saint-Jean-sur-Richelieu? Saint-Marc? Non. Richelieu tout court. Il paraît que ça existe.
Ce client, qui s'appelait Nicolas, m'a donc contacté pour me demander si son père pouvait passer chercher les jeux chez moi. Évidemment, j'ai accepté. Et c'est comme ça que j'ai rencontré le père de Nicolas avant de le rencontrer lui-même. Mais on a continué à communiquer.
J'ai appris qu'il était étudiant. Et lui, que j'étais auteur. Ça l'intriguait. Je l'ai invité à venir voir le cabaret littéraire auquel je participais. Et en bon vendeur que j'étais, j'allais apporter d'autres jeux pour qu'il me les achète. Je lui ai donc demandé de m'envoyer une photo, afin que je puisse le reconnaître, ce qu'il a fait. Oh boy! Ça fessait. Il m'a expliqué que c'était une vieille photo et qu'il faisait moins dur aujourd'hui, quoiqu'il était toujours roux.
Le soir venu, un dimanche, j'arrive d'avance, comme toujours. Peu de temps après, je vois entrer un jeune homme nerveux. C'était clairement lui. Il était mineur mais, apparemment, quand tu mesures 6 pieds 2, t'as pas besoin d'attendre d'avoir 18 ans pour aller dans les bars. Il savait sûrement que j'étais celui qu'il cherchait mais, comme on souffrait tous les deux d'une timidité excessive, il a fallu plusieurs minutes avant qu'on se présente.
Nicolas a tellement aimé le cabaret littéraire qu'il s'est mis à y aller régulièrement, et à y traîner de plus en plus de ses amis, jusqu'à qu'ils composent la majorité des spectateurs. Il aimait mon style, et il a continué à venir me voir performer, un peu partout à Montréal, pendant des années. Jusqu'à ce qu'il parte pour la France, en fait. Et qu'à son retour, il tombe malade. Et qu'il meurt.
J'ai un gros spectacle en décembre. Le plus gros de ma vie, en fait. C'est sûr que Nicolas serait venu me voir. Alors, quand j'ai appris qu'il était mort, j'ai décidé qu'à ce spectacle, je ferais son numéro préféré et qu'en présentant ce numéro, je raconterais aux gens qui était Nicolas.
J'ai hâte, mais ça risque d'être difficile.
Sunday, August 24, 2008
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4 comments:
Salut Dany,
J'irai immanquablement voir ton spectacle, surtout si tu fais le numéro préféré de Nicolas.
Au plaisir de te voir,
une grande fan de ton fan
Comme Nicolas m'a connu en tant qu'auteur et conteur, et qu'il aimait venir voir mes spectacles plus que quiconque, il n'y a pas de meilleur moyen pour lui rendre hommage, selon moi, que de faire de lui un conte à son tour.
Il y a des années que je parle d'écrire un roman un jour. Et comme Nicolas était mon plus grand fan et qu'il m'encourageait à écrire ce roman, j'aurais voulu qu'il soit le premier à le lire. Jamais je n'aurais pensé qu'il meurt avant.
J'ignore si je vais publier un roman un jour, ni quelle histoire j'y raconterai mais, maintenant au moins, je sais quels seront les deux premiers mots du livre: "À Nicolas".
Bonjour Dany,
Je suis Christiane, la mère de Nicolas et je suis touchée par ton texte : "Nicolas et moi" . Je suis touchée aussi par l'hommage de H. Dubé. Je tiens absolument à voir ton spectacle. J'ai l'intention d'inviter les amis de Nicolas. Merci beaucoup pour ce beau témoignage.
À bientôt!
Crayon H. Dubé est mon nom de plume, c'est un anagramme de Dany Boucher.
Le spectacle aura lieu le 7 décembre, aux Dimanches du conte, au Sergent Recruteur. Ce sont les plus grosses et les plus prestigieuses soirées de conte au Québec.
Je vais partager la scène avec une autre conteuse ce soir-là, ce qui veut dire que je vais faire un demi-spectacle, en fait, soit environ 45 minutes, j'imagine.
C'est un très gros spectacle pour moi, parce que je travaille normalement dans l'ombre, comme simple auteur. J'ai fait plus d'une centaine de prestations au fil des ans, mais je ne me considère toujours pas comme un conteur. C'est arrivé par accident.
Christiane, je ne pense pas que vous aimeriez mon style, c'est assez grinçant, mais vous êtes quand même invitée.
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