Thursday, December 25, 2008

Le Lampadaire de Noël

Mon grand-père est mort v'là une quinzaine d'années, mais j'me rappelle encore de lui. Lui, par exemple, quand j'allais le voir, y se rappelait jamais de moé. Y faisait de l'Alzheimer, mon grand-père. Y s'était fait prescrire des pilules pour ses pertes de mémoire, mais y'oubliait tout le temps d'es prendre. Y'était en perte d'autonomie. Mais y continuait à faire des choses par lui-même. Comme respirer. Pis maigrir. Pis raconter des histoires.

En fait y connaissait juste UNE histoire. Mais y'a racontait TOUT LE TEMPS. Matin, midi, soir. Même quand y'était tout seul. Y'a racontait au gars dans le miroir. Cette histoire-là devait être importante pour mon grand-père. C'est la seule affaire qu'y se rappelait encore...

Ça se passait dins années 30. C'était l'histoire d'un gars qui s'appelait Benjamin. Pareil comme mon grand-père. Benjamin y restait dans un tout petit village. Le village était tellement petit qu'y avait même pas de nom. Le monde l'appelait n'importe comment. Pis là-bas, à "n'importe comment", la seule attraction touristique, c'était un lampadaire. Mais c'était pas n'importe quel lampadaire. C'était le plus gros lampadaire au Canada.

C'est parce que quand est venu le temps pour le village de passer des lampadaires au gaz aux lampadaires à l'électricité, y'ont décidé de sauver de l'argent. Au lieu d'installer une quinzaine de lampadaires un peu partout dans le village, y'ont décidé de mettre UN gros lampadaire, mille fois plus puissant, en plein milieu du village. Qui pourrait tout éclairer à grandeur.

Ça éclairait tellement ce lampadaire-là, qu'y fallait l'éteindre la nuit, pour que le monde puisse dormir. Ce qui était encore plus économique pour le village. On laissait le village dans le noir à l'année longue. La seule fois qu'on allumait le lampadaire, c'était la nuit de Noël. Vu que tout le monde restait réveillé de toute façon c'te nuit-là. C'est pour ça qu'on l'a surnommé "le lampadaire de Noël".

Y'était placé juste à côté de l'église qui, elle aussi, servait juste à Noël. Pis c'était la responsabilité à Benjamin d'allumer le lampadaire de Noël avant la messe de minuit. Mais une bonne année, y'a oublié. Y'était en amour avec une belle petite fille qui s'appelait Marie-Rose. Pareil comme ma grand-mère. Pis ça lui brouillait les idées pas mal.

Le curé de la paroisse, c'est un curé qui aimait bien la chaire. Pis là y'était justement monté dedans ce soir-là. Normalement, vu que c'était Noël, y parlait de la naissance du petit Chrisse. Mais on dirait que la quantité de lumière ça change l'humeur du monde. Parce que, comme y faisait plus noir que d'habitude dans l'église, le curé parlait de l'Apocalypse, y disait que la fin était proche, que la grande noirceur s'en venait.

Là Benjamin commençait à se sentir coupable de pas avoir allumé le lampadaire. Même si le reste du monde avaient pas l'air d'avoir remarqué. Faut dire que les sierges éclairaient quand même un peu. Mais comme le curé voyait pas trop où y marchait, y'a fait un faux pas. Y'a déboulé les marches, pis y s'est cassé le cou. Y'é mort. Tout ça parce que Benjamin avait oublié d'allumer le lampadaire.

Pis en sortant de l'église, tout le monde allait s'en rendre compte. Y'allaient ben voir que le lampadaire était éteint. Mais juste avant que le monde sorte de l'église, le lampadaire s'est allumé tout seul, comme par enchantement. Benjamin était content de s'en sauver, mais y trouvait ça bizarre pareil qu'un lampadaire s'allume tout seul.

Comme c'était le nuit de Noël, le monde sont retournés chacun chez-eux pour se donner leurs cadeaux. Mais personne avait le goût de fêter, à cause de ce qui venait de se passer. Les parents de Benjamin lui ont expliqué qu'y aurait pas de cadeau encore cette année, parce que le Père Noël va pas dins village qui ont pas de nom.

Benjamin était pas mal déçu de pas avoir eu de cadeau encore une fois, fait qu'y est monté passer le reste de la veillée dans sa chambre. Pis en arrivant, y'a vu un cadeau sur son lit, dans un bel emballage rouge. Tout excité, y s'est dépêché de le déballer. C'était un aide-mémoire. Pis en l'ouvrant, à la première page, y'avait quelque chose d'écrit à l'encre rouge: "le curé est mort à cause de toi". Pis c'était signé "de Satan qui t'aime".

Benjamin a redescendu les escaliers en courant pour aller demander des explications à ses parents. Pis juste au moment où y'arrivait en-bas, toutte s'est éteint. Là, la chienne l'a pogné. Non, en fait c'était sa mère. A y'a dit "tu vois ben qu'y fait noir, va dont rallumer le lampadaire".

Fait que Benjamin est ressorti dehors pour aller rallumer le lampadaire. Mais quand y'é arrivé, le lampadaire avait disparu. Pis à sa place, c'était un homme qui était là, pis toute la neige était fondue autour de lui. Personne l'avait JAMAIS vu cet homme-là. C'était bizarre, parce que tout le monde se connaissait dans le village. L'homme a regardé Benjamin, pis y y'a dit:

Comme le curé est mort
À cause de ton oubli
M'en vas te j'ter un sort
Pour le reste de ta vie

Quand le vieil âge viendra
Tu vas perdre la mémoire
Mais jamais tu pourras
Oublier cette histoire



Où que tu sois, grand-papa, Joyeux Noël!

Tuesday, December 9, 2008

L'Halloween de mes 16 ans

Bonsoir. Je m'appelle Dany et je suis... un alcoolique. Pour moi, la bière, c’est comme les chips. Je peux pas en prendre juste une. Je suis pas fier de ça. Je veux pas dire que c’est pas de ma faute si je suis alcoolique, mais souvent ça vient de nos parents. Moi, ma mère donnait pas du lait, a donnait du Bailey's.

Pis mon père, je l'ai jamais vu sobre. J'étais enfant unique mais lui était sûr qu'y avait des jumeaux. Apparemment qu'y avait commencé à boire vers l'âge de 16 ans. Pour oublier qu'y était alcoolique. Pis au fil des années, y'é devenu schyzophrène. Y'était suivi par un psychiatre. En fait, y PENSAIT qu'y était suivi par un psychiatre. Y faisait un bon salaire, mais y buvait toute son argent. Pis un jour ben... y s'est étouffé sur un dix cennes.

Mais si je suis ici ce soir, c'est pour vous raconter "l'Halloween de mes 16 ans". Cette année-là, ma fête tombait le même soir que l'Halloween. En fait, c'est de même à chaque année.

Nous autres, on faisait un party quasiment chaque fin de semaine, chez Tessier, un de mes amis qui avait un grand sous-sol chez eux. En fait, c'était pas vraiment mon ami. Mais y'avait un grand sous-sol. Quand ma mère me voyait prêt à partir, a me demandait où j'allais. Je disais "ah, y'a un party chez Tessier...". Ma mère disait "vous fêtez quoi?". Là, je regardais le calendrier pis je disais "on fête-euh... l'Immatriculée-Conception". Tous les prétextes étaient bons pour faire le party. La Pentecôte, le Yom Kippur, la Journée des Secrétaires, on en manquait pas une.

Mais le meilleur party, c'était toujours le party d'Halloween. Pour moi, en tous cas, parce que je me faisais fêter en même temps. Pis LE party d'Halloween le plus mémorable, c'était l'Halloween de mes 16 ans. Parce que ma mère m'avait donné son char en cadeau la journée même. Eille, mon premier char! Un station wagon rose!!!

En arrivant chez Tessier, tous ceux qui avaient un char, fallait qu'ils mettent leur set de clefs dans un grand bol. J'étais fier, c'était la première fois que je participais à ça. Quand on avait mis nos clefs dans le bol, là on pouvait commencer à boire. Moi, j'ai toujours été un gars raisonnable. Quand je fête quelque chose, je prends jamais plus que deux bières. Fait que je prends deux bières pour fêter mes 16 ans, deux autres pour mon premier char, deux autres pour l’Halloween… Mais moi la bière ça me reste sur l’estomac, fait que je prenais un peu de cognac en même temps, pour m'aider à digérer.

Rendu à 8 heures du soir, j'étais à quatre pattes à terre. Là, je vois Tessier qui se dirige vers le bol de clefs. Il met sa main dedans, pis y ressort mon trousseau de clefs. Il dit "C'est à toé ces clefs-là? T'as gagné le tirage, c'est toi qui vas aller reconduire la gang! Tiens, v'là une bière!"

Là, la blonde à Tessier, Madame je-ne-bois-pas-parce-que-je-me-pense-meilleure-que-les-autres, a sort de nulle part - ou des toilettes, je m'en rappelle pu - pis a dit "ça pas de bon sens, y'é ben trop soûl pour chauffer, je vas y aller moi, reconduire la gang". Là je me suis dit "je suis un gars responsable, je tiens pas à risquer ma vie ou celle des autres pour rien, je laisserai pas conduire une fille certain!". J'y ai dit "va reconduire les autres si ça te tente, moi je m'en retourne chez nous tout seul".

Fait que je sors dehors, j'embarque dans le char. Les clefs faisaient pas. Je ressors dehors. J'embarque dans l'autre char à-côté, lui qui était parqué à moitié s'a pelouse. Là, ça marché. J'ai mis la musique dans le fond, la cassette de Ginette Reno à ma mère, pis je suis parti comme une flèche. Mais y’avait pas de danger, là… je pouvais pas me faire arrêter, j’étais déguisé en policier. Pis, de toute façon, je restais à cinq minutes de là.

Un moment donné, je roulais depuis une quinzaine de minutes, pis là je passe devant la maison à Tessier. Ça tombait bien, j'avais oublié de ramener les bières qu'y me restait. Fait que je suis allé les chercher, pis je suis reparti. Mais moi, quand je conduis soûl, j'ai tendance à m'endormir au volant, fait que pour contrer ça, je chauffe plus vite.

Fait que je roulais à fond de train, pis là un moment donné, je croise un loup-garou. Mais le temps que je le vois, y'était déjà passé à travers mon windshield. Là, j'arrête le char. Je dépose ma bière. Je débarque du char. Je me relève. Là, je me suis dit "c'est tu un loup-garou que j'ai frappé ou ben une piñata?" Y'avait des bonbons partout! Là j'enlève le masque du loup-garou... c'était même pas un vrai! C'était juste un enfant déguisé. Là, j'étais soulagé! Non, mais les loups-garous, c'est une espèce protégée, j'aurais pu être dans marde...

Heureusement c'était pas un accident grave. Je veux dire... ça se remplace un windshield, là. Mais un enfant... ça ne se remplace pas! C'était une petite fille. Pis en regardant comme faut, je l'ai reconnue. C'était ma cousine Joanie. Là, je filais mal! Je pense que le cognac, ça me fait pas.

Je l'avais pas reconnue tout de suite, parce qu'elle avait vraiment pris son déguisement à coeur. Elle avait même pris soin de mettre du faux sang EN-DESSOUS de son masque. Pis elle avait comme un faux nez cassé. Elle avait même, tsé les bras qui plient dans les deux sens, là? C'est impressionnant...

Là, je me suis dit "faudrait ben que je l'amène à l'hôpital". Mais je voulais pas salir mes bancs de char. Fait que je me suis dit "j'vas la strapper sur le hood". C'est drôle comment on pense pas pareil quand on est soûl, en? Si j'avais pas été soûl, j'aurais pensé de la mettre dans le coffre, c'est ben moins de trouble. Mais, en tous cas, je l'ai strappée sur le hood. Je me suis dit que ceux qui me verraient passer se diraient juste que je reviens de la chasse aux loups-garous.

En roulant, je me suis dit "Si jamais je me fais arrêter. Ils vont peut-être me confisquer ma bière, par exemple!". Fait que j'ai pas pris de chance, j'ai bu toutes celles qu'y me restaient en me rendant à l'hôpital. Mais là, j'ai été prudent quand même, je buvais juste aux stops pis aux lumières rouges. Pareil comme mon père m'avait montré. Sauf que les bières commençaient à être chaudes pas mal, pis moi avec. Un moment donné, y'a fallu que j'arrête le char. Finalement, c'est pas ma cousine qui a sali mes bancs, c'est moé. J'ai été malade...

Là, un moment donné, je me réveille. J'étais sur une civière à l'hôpital. Je me suis dit "pas pire, je suis venu à bout de me rendre, pis j'en ai même pas eu connaissance". Les médecins m'ont dit que Joanie était morte s'a table d'opération. J'ai dit "qu'est-ce que vous y'avez faite!?!" Apparemment qu'elle aurait pu survivre si elle était arrivée plus tôt à l'hôpital. Mais ça, c'est facile à dire... Moi, ils m'ont dit que j'avais probablement évité des blessures graves parce que j'étais soûl au moment de l'impact, ce qui avait empêché une réaction de stress. Mais d'un autre côté, si j'avais pas été soûl, y'aurait pas eu d'accident, fait que ça pas de sens…

Après une couple d'heures sous observation, ils m'ont dit que je pouvais partir. Mais quand je suis sorti de ma chambre d'hôpital, y'avait deux policiers qui m'attendaient. Ils m'ont amené au poste pis il m'ont donné une date pour passer en cour, 6 mois plus tard. Ils m'ont enlevé mon permis. Mais ils m'ont pas enlevé mon char! Les parents de Joanie ont reçu à peu près rien pour la mort de leur fille, mais moi la SAAQ a payé les réparations sur mon char au complet! Fait que j'ai pu continuer à m'en servir. Mais je le prenais juste pour aller pis revenir des partys.

Justement, la veille de mon passage en cour, y'avait un party chez Tessier. C’était… pour la fête des Mères, je pense. Fait que quand je suis arrivé au Palais de Justice le lendemain matin, j'étais encore à moitié chaud. En arrivant là, y'avait 7-8 manifestants avec des pancartes qui me criaient des noms. Pareil comme si j'avais été un criminel! J'en ai même entendu un crier "Les alcooliques au volant, on devrait les envoyer en prison!" Eille, les nerfs ponpon! On est pas en Irak! L’alcool au volant, ça a jamais tué personne!

Quand je suis arrivé devant le juge, il m'a demandé ce que j'avais à dire pour ma défense. J'ai dit "C’est pas de ma faute si j’ai frappé la victime, monsieur le juge. Ça aurait pu arriver à n’importe qui. N’importe qui qui prend son char quand y’é soûl."

Le juge m'a regardé bin comme faut, en plein face, pis y m’a dit "Je sais pas si vous le savez le sort qu'on réserve aux gens de votre espèce, en prison... vous allez être battu, violé. Je peux pas vous envoyer là! » Y dit « D'autant plus qu'à votre âge, l'incarcération nuirait grandement à vos études." Comme si la mort de Joanie avait pas nuit à ses études... Pis de toute façon, j'ai jamais fini mon Secondaire, fait que ça pas changé grand-chose.

Mais je suis content quand même, que le juge ait compris que l'alcool au volant, c'est pas si grave que ça, finalement. J'ai juste été sentencé à faire des travaux communautaires. Comme de faire des conférences pour raconter mon histoire. Fait que c'est pour ça que j'étais ici ce soir. Je viens de faire ma dernière conférence, je vas aller arroser ça! Salut!

Thursday, November 20, 2008

Ti-Joe (parodie de conte traditionnel)

Ti-Joe de la Pompadour y restait dans le rang des corneilles à Sainte-Marguerite-des-Grandes-Dents. Toujours est-il qu’un bon matin, au lieu d’entendre le coq chanter, Ti-Joe s’est fait réveiller en sursaut par le silence. Mais pas n’importe quel silence. Un silence de MORT. Fait que là Ti-Joe s’est mis à regarder autour de lui dans chambre, pour voir qu’est-ce qui pouvait ben faire autant de silence. D’un coup, y relève ses couvartes pis y l’a ben vu, son coq était mort!

Là Ti-Joe s’est dit « mon coq est mort pendant la nuitte, y’a pas pu me réveiller à matin pour que j'aille traire ma vache, c'te pauvre tite bête, a va exploser… » Ben juste au moment où y disait ça, y’a entendu « POW! » Fait qu’y s'est garroché vers la fenêtre, y'a regardé dehors… y’avait comme une pluie blanche qui tombait. Ti-Joe s’est levé la tête vers le ciel pis y’a dit « Mon Dieu, excusez-moi de vous déranger dans un moment aussi intime » Non mais, quand y’a vu que la pluie blanche venait du ciel, y savait pas trop ce que c’était. Surtout qu’y en avait reçu une goutte dans l’œil pis que ça chauffait. Y s’est dit « Dieu est partout, j’y ai peut-être touché sans m’en rendre compte… »

Fait qu’y dit « mon Dieu, qu’est-ce que je vas faire avec la dépouille de mon coq? » Le bon Dieu a dit « ben, amène-le au coq-mort! » Ti-Joe a dit « excellent jeu de mots, on doit être dans un conte traditionnel. » Fait qu’y s’est reviré vers le litte, y’é venu pour prendre le coq, mais c’était un coq noir qu'y avait, t’sé sont plus gros ceux-là. Big black cock, euh, rooster. Entéka. Juste quand qu’y venait pour le prendre y’entend « Ti-Joe! Ti-Joe! » Y s’est dit « le silence m’appelle? »

Y s’est garroché vers la fenêtre, pis y’a regardé en-bas. C’était le facteur. Fait que Ti-Joe est allé chercher son fusil. Non mais, y restait ben loin t’sé, y voyait pas le facteur souvent. Y’enligne le facteur ben comme faut entre les deux yeux. Le facteur dit « y’a des bruits qui courent au village ». Ti-Joe y dit « Y’a tu des bruits de coq là-dedans? J’en aurais besoin d’un... » Le facteur a dit « je le sais pas mais j’ai une lettre pour vous ». Ti-Joe dit « c’est quoi? » Le facteur a dit « c’est un W ». Ti-Joe y dit « un W? j’ai pas besoin de ça. je parle même pas anglais ».

Le facteur a dit « très bien, mais si vous le prenez maintenant, je vous le fais à moitié prix ». Là Ti-Joe y’a dit « oooo! ». Ben y voulait dire « wow! » mais y’avait pas encore de « W ». Pis le facteur a dit « en plus, si vous l’acheter, je vas vous donner en prime une brosse à dents pour vos poules. » Là Ti-Joe a dit « ce sera pas nécessaire, c’est des poules pas-de-dents que j’ai ». Le facteur a dit « ah oui, regardez donc derrière vous. » Ti-Joe se revire de bord, y voyait juste le calendrier su’l mur. Y regarde, c’était la semaine des quatre jeudis!

Là y se revire vers le facteur, le facteur avait disparu. Y s’était transformé en une fine brise qui avait déposé une enveloppe sur le seuil de la fenêtre à Ti-Joe. C’était comme un facteur vent. Ti-Joe a pris l’enveloppe, mais sur l’enveloppe, au lieu d’être écrit « pour Monsieur Ti-Joe » , c’était écrit en anglais « for Mister Small-Boobs ».

Mais comme Ti-Joe parlait pas un mot d’anglais, y s’est dit « fuck off » t’sé. Y’a pas checké ce qui avait dans l’enveloppe. Mais c’était dans le temps de la guerre! Pis ce qui avait dans l’enveloppe, c’était un avis de conscription. Y manquait de volontaires dans l’armée du Canada, fait qu’on forçait les jeunes hommes célibataires comme Ti-Joe à devenir des soldats. Pis la lettre c’était pour dire que quelqu’un viendrait le chercher le lendemain matin pour l’amener à la base militaire de Hamilton, en Ontario.

Mais le lendemain matin, Ti-Joe y dormait ben comme faut, y se doutait de rien. D’un coup y’entend « Ti-Joe, Ti-Joe ». Y s’est dit « c’est ben la première fois que mon coq m’appelle par mon nom… » Y’avait pas encore les idées claires. Y’entend « Ti-Joe, je suis venu vous chercher, dépêchez-vous! » Fait qu’y s’est garroché vers la fenêtre, pis y’a regardé en-bas. C’était un vieux vieux monsieur. Fait que Ti-Joe est allé chercher son fusil.

Y’enligne le vieux monsieur ben comme faut entre les deux yeux. Y dit « vous êtes qui vous? ». Le monsieur y dit « je suis le caporal Lamarre » Ti-Joe y dit « vous êtes Lamarre et vous êtes venu me chercher? » Le caporal y dit « c’est ça, pour le grand voyage » Ti-Joe y dit « on s’en va où? » Le caporal y dit « ben, en Ontario » Ti-Joe y dit « en Ontario? J’ai tu mené une si mauvaise vie que ça? »

C’est la première fois que Ti-Joe se retrouvait face à Lamarre. Y s’est dit que son tour était venu, que chacun devait y passer un jour ou l’autre, fait qu’y est descendu en bas pis y’é sorti dehors. Quand Lamarre a vu Ti-Joe arriver dehors, y’a dit « on est pressés, mais pas tant que ça, prend le temps de mettre du linge! » Fait que Ti-Joe s’est mis du linge pis y s’est laissé emporter par Lamarre.

Là rendu en Ontario, y’a passé une couple de mois à se pratiquer pour la guerre. Mais c’était surtout pour apprendre l’anglais. Parce que le maniement d’armes, Ti-Joe connaissait ça. Mais un coup qu’y était prêt, a fallu qu’y parte pour l’Europe, - parce que quand y’a une guerre, c’est jamais de ce bord-citte -, mais son séjour a pas été long. À sa deuxième journée au front, Ti-Joe s’est fait tirer une balle. Où ça? Au front.

Mais je sais pas si vous avez déjà entendu dire qu’on utilise juste 10% de notre cerveau? Ben la balle s’est logée dans le 90% qui sert à rien, fait que Ti-Joe est pas mort. Mais vu qu’y était blessé, ils l’ont ramené en Ontario, pour qu’y puisse se reposer à l’hôpital militaire.

Un bon matin, Ti-Joe se reposait dans son petit lit militaire quand tout d’un coup y’entend « Ti-Joe, Ti-Joe ». Y se revire de bord. Dans le lit à côté de lui, c’était le facteur. Là Ti-Joe a dit au facteur « c’est de ta faute si y’a une guerre! » Y’avait entendu dire qu’une guerre ça partait toujours de plusieurs facteurs.

Fait que là Ti-Joe a essayé de sauter sur le lit du facteur, mais y s’est enfargé dins draps pis y’é tombé la tête la première à terre. Le facteur est parti à rire pis y’était pu capable d’arrêter. Mais Ti-Joe lui, y riait pas. Parce que quand sa tête a frappé le sol, la balle qu'y avait dans tête a traversé du 90% qui sert à rien au 10% qui fait que t’es en vie. Fait que Ti-Joe est mort.

Quand y s’est réveillé… y’était au Ciel. Saint-Pierre lui a dit « Ti-Joe, t’as mené une bonne vie, t’es allé défendre la liberté et la démocratie au risque de mourir… je vais rendre ton admission au Paradis très facile: Récite-moi l’alphabet et tu seras admis au royaume des cieux. »

Là Ti-Joe regrettait de pas avoir acheté le W du facteur. Y s’est mis à réciter l’alphabet, tout en réfléchissant à un moyen de s’en sortir. « A-B-C-D-E-F-G-H-I-J-K-L-M-N-O-P-Q-R-S-T-U-V… » PAF!@! Y sacre un coup de poing entre les deux yeux à St-Pierre. St-Pierre est tombé knock-out total. Fait que Ti-Joe en a profité pour se sauver vers les portes du Paradis. Mais ce qu’y avait pas pensé c’est qu’à l’entrée du Paradis, y’avait des bonnes sœurs. Des religieuses. Les bonnes sœurs lui ont bloqué le chemin pis y’a entendu « Ti-Joe! » Y s’est dit « c’est quoi donc cette voix-là, ça me dit quelque chose? Ah oui, c’est le Bon Dieu! »

Le Bon Dieu a dit « Ti-Joe! Saint-Pierre est sur la liste des blessés, c’est pour ça que je t’ai fait monter de Hamilton. Va prendre sa place. » Fait que Ti-Joe est retourné vers Saint-Pïerre. Y’a déshabillé Pierre pour habiller… Ti-Joe. Pis y’a attendu son premier client. Y’avait hâte de voir qu’est-ce qu’y pognerait, parce que la façon que ça marche au Paradis, je sais pas si y'en a dans vous autres qui sont déjà allés, c’est que tout le monde à un co-chambreur. Et ça va par ordre d’arrivée au Ciel. Fait que Ti-Joe y savait que peu importe qui allait être admis le prochain au Paradis, ça allait être son co-chambreur pour l’Éternité.

Fait que Ti-Joe s’est mis à s’imaginer des femmes là t’sé. Belles, jeunes, avec plein... d’affaires, là. Mais c’est rare que des femmes meurent jeunes parce qu’y vont pas à guerre eux autres. Tout d’un coup, Ti-Joe entend une petite cloche, ça voulait dire que quelqu’un venait de mourir. Y voit quelqu’un approcher, à travers les nuages… c’était le facteur! Y’était finalement mort de rire après avoir vu Ti-Joe tomber su’a tête.

Là Ti-Joe s’est dit « faut pas que je le laisse rentrer, sinon je vas passer l’Éternité avec lui ». Fait qu’y a demandé au facteur « Y’é tu trop tard pour acheter ton W? » Le facteur a dit « je suis mort, j’en aurai pu besoin, tu peux même l’avoir gratis. » Fait qu’y donne le W à Ti-Joe. La Ti-Joe était rendu Wise. Y’a pris le W pis y l’a pitché en-bas. Là y’a dit « facteur, t’as mené une bonne vie, tu t’es levé de bonne heure à tous les matins pour aller porter ton courrier, même dans les pires intempéries… je vais rendre ton admission au Paradis très facile… »

Juste au moment où il disait ça, la cloche a sonné encore. Quelqu’un venait de mourir. Ti-Joe regarde qui s’en venait, y’en croyait pas ses yeux. La plus belle femme qu’y avait jamais vue! Y’a demandé « qu’est-ce qu’une jeune femme comme vous fait au Ciel? » A dit "____".

Ti-Joe dit « Hein!? A parle pas?! Mais c’est vraiment une femme parfaite! » Y s’est dit « a dû traverser la rue pis a pas entendu le camion qui s’en venait » Le facteur, qui comprenait les signes, y dit « c’est pas ça, a dit qu’a se promenait dans rue pis qu’a reçu un W su’a tête! »

Ti-Joe s’est dit « c’est parfait, je m’arrange pour que le facteur soit pas admis, après ça je laisse rentrer la belle fille et je vais passer l’Éternité avec elle. Fait qu’y a dit « facteur, je vais rendre ton admission au Paradis très facile : Épelle-moi le mot « guerre » en anglais. » Là le facteur y savait que « guerre » en anglais c’était « war », mais qu’y pourrait pas l’épeler sans son W. Fait qu’y a dit « c’est facile… dji-youi-arr-arri. Je viens de t’épeler « guerre » en anglais! »

La ruse du facteur lui a permis d’entrer au Paradis. Et c’est comme ça que Ti-Joe et le facteur se sont ramassés co-chambreurs pour l’Éternité, ce qui, ils l’ont vite compris, était en fait l’Enfer.

S'cusez la!

Tuesday, November 11, 2008

Le Jour de l'Amnésie?

En raison d'une promotion quelconque, je reçois depuis hier, dans ma boîte aux lettres, le Journal de Montréal. Premier constat: y'a plus de fautes d'orthographe là-dedans que dans L'Itinéraire. Et, en plus d'oublier les règles de la langue française, les journalistes oublient des faits, ou sont trop paresseux pour faire des recherches.

J'ai échappé le journal par terre, ce matin, en lisant ceci (en rapport avec le nouvel album de Charles Aznavour, Duos, où certains artistes internationaux chantent dans la langue de Molière):

"Elton John, dont nous n'avons aucun souvenir d'une composition enregistrée en français...".

Ça aurait pu me donner un coup de vieux, sauf que l'auteur de ces lignes est visiblement plus âgé que moi. Un journaliste d'arts et spectacles qui ne se souvient pas qu'Elton John a connu un grand succès, au début des années 80, avec la chanson "J'veux de la Tendresse"? D'accord, mais il suffit de 5 secondes sur Youtube pour trouver des vidéo-clips d'Elton John, en studio avec France Gall, où le duo enregistre, en français, "Les Aveux" ou le hit "Donner Pour Donner".

De quoi aura l'air le Journal de Montréal dans 20 ans?

"Spo full hot, mé y'a un vieu Francè ki sor 1 nouvo CD. On sé po tro cé koi sont non pi sa nou tante po d'checké".

Sunday, November 9, 2008

Blague de mauvais goût?

Quand les gens me demandent pourquoi j'ai autant de mépris face à l'Allemagne nazie, je réponds ceci : C'est simple. Il y avait 12 millions de Juifs en Europe avant la Deuxième Guerre Mondiale. Les Nazis en ont tué 6 millions. J'ai jamais aimé ça le monde qui font les choses à moitié.

Sunday, November 2, 2008

Heure Volée

Moi, je reste proche d'un bar, c'est pratique. Y aller, à pieds, ça me prend 15 minutes. M’en retourner chez nous après, ça me prend une demi-heure. Un samedi soir, au printemps, je suis allé à ce bar-là. Je rentre chez nous à 2h du matin. Je regarde l’heure, y’était 3 heures. Je m’étais fait voler une heure!

Là je me suis dit « pas de panique, tu vas la retrouver ». Fait que je suis retourné sur mes pas pour voir si je l’avais pas perdue en cours de route. Mais en même temps, je me suis dit que le temps, c’est tellement précieux, si quelqu’un trouve une heure, c’est sûr qu’il va la garder. Il peut toujours la revendre, le temps c’est de l’argent.

Le pire c’est que je voulais prendre cette heure-là pour faire du bénévolat, aller donner du sang… Eille, j’ai perdu une heure de ma vie! C’est comme si j’avais écouté La fosse aux lionnes.

Pendant que je refaisais mon chemin de chez nous au bar, mon cellulaire sonne. Je réponds. C’était l’union des producteurs agricoles. Y’ont dit « on a kidnappé votre heure, inquiétez-vous pas, on lui veut pas de mal, on en a juste besoin pour l’été, vous allez la récupérer cet automne ».

Là, je me suis dit « ça pas de bon sens, je peux pas passer tout l’été avec une heure en moins! » Fait que j’ai décidé d’en acheter une sur le marché noir. Je me promenais sur Ste-Catherine, je vois une femme dans rue, je lui dit « excusez, c’est parce que je cherche une heure pas chère ». La fille dit « une heure, tu trouveras pas ça en-bas de cent piasses ».

Cent piasses?! Ben trop cher. Je continue à me promener, je passe devant un garage, je demande au gars combien ça coûte une heure, il me dit « 32 piasses ». Je me suis dit « ça commence à avoir de l’allure » mais juste pour le fun je suis allé voir au Wal-Mart. Je demande au gars du Wal-Mart « combien ça vaut une heure? », y dit « 8,50$ ».

J’ai dit « y’a tu moyen d’en avoir des moins chères que ça ? » Le gars y dit « oui, on fait faire des heures aux Philippines, celles-là coûtent 15 cennes, c’est fait à main par des enfants. » Moi, j’aime bien me faire faire des choses à la main par des enfants, fait que j’en ai pris quatre. Faut dire que je venais de perdre trois heures à magasiner…

Pis là, qu’est-ce qui vient de m’arriver en fin de semaine? Les fermiers ont finalement respecté leur promesse, pis ils sont venus chez nous dans nuit de samedi à dimanche, me reporter l’heure qu’y m’avaient volé. Fait que là j’étais rendu avec une heure en trop. Je me suis dit « cette heure-là, gaspille-la pas, essaye d’en jouir le plus pleinement possible. »

Fait j’ai décidé de passer cette heure-là à écrire ce texte.

Sunday, October 26, 2008

L’ourson de l’amour VERSUS l’ourson de la haine

L’ourson de l’amour s’appelait Valentino. Il avait toujours le cœur sur la main. C’était assez dégueulasse d'ailleurs… Il venait de St-Félicien, au Lac-St-Jean et il était en amour avec tout ce qui existait. La seule chose qu’il haïssait était la haine.

L’ourson de la haine, lui, haïssait tout. Et ce qu’il haïssait par-dessus tout, c’était les prophètes de l’amour. Son nom était Jason, c’était un ourson anglophone de Granby. Il avait été expulsé de son école primaire pour avoir attaqué le directeur avec des crayons de couleurs Crayola. Selon le rapport d’autopsie, le directeur avait été poignardé à 64 reprises par autant de couleurs différentes. Le coup fatal avait été porté par le Brun Placenta.

Cet événement avait rendu Jason insécure, à un point tel qu'il n'osait plus aller à l'école sans sa hache souillée de sang et son masque de gardien de but, ce qui rendait les autres élèves assez insécures à leur tour. Jason faisait règner un climat de terreur dans sa nouvelle école primaire. Il a même forcé la belle Ursule, qui fréquentait alors Valentino, a devenir SA blonde à lui.

Mais Valentino était convaincu que l’amour pouvait triompher de la violence. On organisa donc un combat à mort entre l’amour et la haine, pour voir lequel était le plus fort.

La confrontation eut lieu le 14 février, jour de la St-Valentin. Les deux oursons allaient se battre pour l'honneur, mais aussi pour le coeur de la belle Ursule. Conformément aux règlements de l’école primaire en matière de combats à mort, Jason et Valentino devaient se battre sur la colline derrière l’école, afin que la foule puisse voir le combat, sans qu’elle puisse intervenir.

Chaque pugiliste avait droit à son arme de prédilection. Jason avait sa fidèle hache, tandis que Valentino avait choisi comme arme des cœurs en carton avec des mots d'amour écrits dessus. Valentino était tellement confiant de l'emporter qu’il a laissé à Jason la chance de frapper en premier. Jason se fit un plaisir d’asséner un coup de hache dans le dos de Valentino. Valentino répliqua par un retentissant « Aimons-nous les uns les autres ». Jason ne fut pas ébranlé. Il ne comprenait pas le français. Il prit un élan et lança sa hache de toutes ses forces au cou de Valentino, qui dévala la colline pour aller choir au milieu de la foule.

Quand il s’est relevé, Valentino avait complètement perdu la tête. Un spectateur lui redonna sa tête, Valentino la replaça et, avec la rage dans les yeux, il remonta la pente et fonça vers Jason en criant "Je vais te tuer avec mes mains d’ours!" Mais il l'a dit en anglais, cette fois-ci, pour que Jason comprenne: "I’ll kill you with my bear hands!".

En entendant ça, Jason était mort de rire, ce qui concédait la victoire à Valentino qui, le soir même, s'offrit un pique-nique d'amoureux avec la belle Ursule, tous deux assis sur la dépouille de Jason. Et c'est depuis ce jour que la peau d'ours est un symbole de romantisme.

(vous trouverez ici l'événement derrière cette histoire)

Wednesday, October 22, 2008

Crayon Essaye de Comprendre les Femmes

Elle est célibataire depuis longtemps.
Moi aussi.

Elle est hétéro.
Moi aussi.

Elle veut des enfants.
Moi aussi.

Elle est dans le début trentaine.
Moi aussi.

On se connaît depuis neuf ans.
On se voit à toutes les semaines.
On s'entend très bien ensemble.

Elle admire mon intégrité et ma détermination.

Elle me trouve beau.
Elle me trouve drôle.
Elle me trouve intelligent.
Elle me trouve talentueux.

Alors pourquoi ne veut-elle rien savoir de moi comme chum?
??????????????????????????????????
??????????????????????????????????
Elle a peur qu'on soit consanguins, ou quoi???

Wednesday, October 15, 2008

Le Petit Justin

Le petit Justin était un enfant enjoué. Mais comme il n’avait ni frère, ni soeur, ni animaux domestiques et qu’il était encore trop jeune pour s’amuser avec son corps, il s’était lié d’amitié avec le vieux Hector qui, lui, était toujours prêt à jouer.

Dès que le petit Justin mettait les pieds dans la cour arrière de la maison, il y trouvait le vieux Hector qui l’attendait derrière le cabanon, raide comme une barre. Le petit Justin s’empressait alors de grimper sur le vieux Hector, qui le laissait faire à chaque fois, sans broncher.

Le petit Justin aimait particulièrement savourer ce qu’il appelait le “jus d’Hector”. Parce qu’après tout, le vieux Hector était un pommier…

À chaque automne, il donnait toutes ses feuilles au petit Justin pour qu’il puisse s’amuser avec et il lui donnait aussi toutes ses pommes, pour qu’il les apporte à sa mère et qu’elle en fasse assez de jus pour aider Justin à passer les longs mois d’hiver où il ne voyait presque jamais son ami.

Mais un bon matin de décembre où Justin dégustait son jus d’Hector, sa mère s’aperçut que quelque chose ne tournait pas rond. C’est que le petit Justin avait le coeur gros. Plus précisément, il souffrait d’une myocardite virale aigue. On l’amena d’urgence à l’hôpital.

Le cas du petit Justin était très grave. La seule chose qui pouvait le sauver était qu’on lui greffe un nouveau coeur. Mais les coeurs de rechange ne poussent pas dans les arbres. Il devait donc mettre son nom sur une liste et attendre son tour. Son seul réconfort était de voir que son nom montait sur la liste au fur et à mesure que ceux qui le devanceaient mourraient en attente de leur greffe.

La mère du petit Justin voulait qu’il survive le plus longtemps possible. C’est pourquoi elle refusait de le laisser manger la nourriture de l’hôpital. Elle lui préparait elle-même des petits plats à chaque jour, sans jamais oublier son jus de pommes maison, bien sûr.

À la mi-décembre, Justin écrivit au Père Noël pour lui demander un coeur en cadeau. Malheureusement, aucun des lutins du Père Noël n’avait le bon groupe sanguin. Si bien que Justin dû passer tout l’hiver à l’hôpital. À chaque jour, son état empirait.

Le printemps venu, il aurait bien voulu retourner jouer avec son ami, le vieux Hector, mais c’était impossible. Et comble de malheur, les réserves de jus d’Hector étaient maintenant épuisées. La mère de Justin essaya de lui faire boire d’autres jus de pommes, mais sans succès. Plus le temps avançait et plus l’ennui et la tristesse se lisaient sur le visage de l’enfant.

Un matin du mois de mars, la mère de Justin, désespérée, décida d’aller prendre l’air dans la cour arrière. Elle vit le vieux Hector, dans son coin, l’air songeur et décida d’aller lui parler. Elle se mit à genoux devant lui et l’implora de l’aider à trouver la force nécessaire pour continuer. Quand elle releva la tête, elle vit un objet rougeâtre au fond d’un trou dans le tronc d’Hector.

À sa grande surprise, il s’agissait d’une pomme, qui avait probablement été conservée en parfait état par le froid hivernal. Elle décida de ramener la pomme à son fils, dans l’espoir de lui redonner le sourire. L’après-midi même, elle l’apporta à l’hôpital.

Elle dit à Justin “j’ai trouvé cette pomme que tu avais cachée dans le tronc du pommier”. Justin répondit qu’il n’avait caché aucune pomme. Que ça devait être un cadeau du vieux Hector. Étonnée, la mère décida de mettre la pomme sur une tablette en vitre au-dessus du lit de Justin, pour qu’il puisse la voir en permanence, et penser à son ami, le pommier.

La nuit suivante, alors que Justin sommeillait, la pomme roula en bas de la tablette et tomba sur la tête du garçon. C’est alors qu’il eut une idée. Il décida de faire enlever cette tablette. Le lendemain, Justin demanda au médecin de lui transplanter la pomme en lieu et place de son cœur. Le médecin décida alors de diminuer sa médication. Devant le manque de compassion du médecin, Justin lui dit “vous aussi, vous auriez besoin d’un coeur”.

L’enfant expliqua qu’il s’agissait là d’une pomme magique et que c’était son seul espoir de guérison. Devant l’insistance et la conviction du petit Justin, et ne voyant aucune autre alternative, le médecin décida finalement de se laisser emporter par la douce folie du bambin et acquiessa à sa demande, faisant le pari farfelu que ça pouvait fonctionner. Il procéda à l’opération dans les minutes qui suivirent, et à son grand étonnement, tout se déroula sans pépin.

Le lendemain, les pommettes du petit Justin avaient pris une couleur rougeâtre. Ses cheveux se remplaceaient graduellement par des feuilles vertes. Et il paraît que les infirmières aimaient bien jouer avec sa tige. Justin a beaucoup mûri dans les jours qui ont suivi.

Sa vitesse de guérison en étonnait plus d’un. Une semaine après l’opération, il put retourner chez-lui. Il s’empressa alors d’aller remercier le vieux Hector de lui avoir redonné la vie. Mais le pommier était mort. La pomme trouvée au milieu de son tronc était son coeur.

Justin décida de ne pas s’en faire et de profiter de sa santé retrouvée. Et l’année qui suivit fut la plus belle de sa vie. Bien sûr, il se faisait taquiner à l’école, on l’appelait “coeur-de-pomme”, mais ces moqueries n’étaient rien comparées aux difficultés qu’il avait surmontées.

Toutefois, l’année suivante, Justin tomba malade une fois de plus. Il souffrait du ver du coeur. Mais comme il était le premier à profiter d’une greffe de pomme, personne ne savait comment le sauver et il mourut peu de temps après son admission à l’hôpital. On l’enterra au cimetière de la paroisse.

Le mère de Justin sombra aussitôt dans une profonde dépression. Elle passait toutes ses journées à pleurer à chaudes larmes, ce qui nuisait légèrement à son entreprise de télégrammes chantés.

Puis, un an jour pour jour après le décès du petit Justin, sa mère retourna au cimetière pour commémorer le triste anniversaire. Et quelle ne fût pas sa surprise lorsqu’elle vit qu’au-dessus de la tombe de l’enfant, un immense pommier avait poussé et qu’au bout de ses branches, pendaient des coeurs d’enfants qui battaient au vent en harmonie.

Ce qui règlait du coup les problèmes de greffes pour toujours. Enfin, les coeurs de rechange poussaient maintenant dans les arbres.

Monday, October 13, 2008

Comment suis-je devenu conteur?

C'est la question que je me pose à chaque fois, avant de monter sur scène. Je n'ai jamais voulu être conteur, mais c'est pourtant ce que je suis devenu. Moi, le gars qui déteste s'adresser à des étrangers et qui ne possède ni la formation, ni le talent requis pour interpréter un texte. Alors comment est-ce arrivé?

Comme je le racontais ici, j'ai été accepté comme auteur à l'École de l'Humour en 2002. Et, dans le cadre de notre formation, notre groupe devait écrire un numéro pour un humoriste connu. Et, cette année-là, on devait être jumelés à un grand humoriste au nom de famille ironique. Une collaboration qui semblait vouée à l'échec car, quelques semaines avant qu'elle ne débute, l'humoriste en question a subi une crise cardiaque, à l'âge de 34 ans.

Malgré tout, celui-ci s'est pointé à l'École de l'Humour, comme prévu, pour nous rencontrer. Et, comme nous étions des auteurs en devenir, il en a profité pour nous inviter au cabaret littéraire qu'il avait co-fondé et qui se déroulait au (maintenant défunt) bar L'Intrus.

Des dix élèves du groupe, je suis le seul à avoir accepté l'invitation. Et, après le spectacle, comme j'étais soûl mort et, par le fait même, trop confiant, j'ai donné mon nom pour faire partie d'une prochaine soirée, c'est-à-dire écrire un texte en une semaine sur un thème pigé au hasard et venir lire le résultat à l'avant. Et comme il y avait pénurie d'auteurs à ce moment-là, ils ont accepté.

J'ai participé une vingtaine de fois à ce cabaret littéraire au fil des ans. Et, éventuellement, quelqu'un m'y a remarqué et il m'a invité à participer aux soirées de contes qu'il animait au bar Vices et Versa, dont la prochaine se tiendrait le lundi 6 décembre 2004. Comme je participais déjà au spectacle qui devait avoir lieu la veille, soit le dimanche 5 décembre, à L'Intrus, j'ai décidé de faire un texte sous forme de conte, pour qu'il puisse être lu aux deux endroits. Ou, plutôt, lu à L'Intrus et récité par coeur, le lendemain, au Vices et Versa. Parce que, apparemment, dans les soirées de contes, on ne peut pas lire son texte.

Le thème de la semaine au cabaret littéraire était "pomme". On avait une semaine pour écrire notre texte, mais j'attendais toujours la veille ou la journée même du spectacle pour le faire. Le samedi, donc, je cherchais des idées pour mon numéro, tandis que la télévision diffusait le Téléthon de la recherche sur les maladies infantiles. J'ai donc fait le lien entre "pomme" et "enfants malades", ce qui a donné un texte où un petit garçon qui a besoin d'un nouveau coeur se fait plutôt greffer une pomme.

J'ai pensé appeler le héros de mon histoire "le petit Émile", en l'honneur du petit Émile Jutras qui était devenu, en 2002, le visage des enfants dans l'attente d'une greffe au Québec. Ensuite, j'ai pensé l'appeler "Richard Coeur-de-pomme" (en référence à Richard Coeur-de-lion), mais en faisant une petite recherche sur Google, j'ai vu qu'une histoire portant ce titre existait déjà. Même si l'histoire en question n'avait rien à voir avec la mienne, j'ai changé mon titre. Je me suis dit que l'hôpital Sainte-Justine était synonyme d'enfants malades, alors j'ai appelé mon garçon "le petit Justin".

Fidèle à mon style, j'ai utilisé un sujet grave pour essayer de faire rire. J'ai lu "Le Petit Justin", comme prévu, le dimanche soir, à L'Intrus. Mais, contrairement à l'habitude, les spectateurs n'ont pas ri. Aucune réaction. L'indifférence totale. Autrement dit, je me suis planté. Mauvais timing car, ce soir-là, le spectacle était filmé pour une émission de télévision (dont j'ai finalement été coupé au montage).

Comme le spectacle au Vices et Versa avait lieu le lendemain, je n'avais pas vraiment le temps ni le goût d'écrire un autre texte et de l'apprendre en plus. J'ai donc utilisé la journée du lundi pour mémoriser "Le Petit Justin". Pour la première fois, j'allais réciter un texte par coeur, plutôt que de le lire sur scène. Je n'avais jamais assisté à une soirée de contes auparavant et je n'avais aucune idée de quoi ça avait l'air.

J'ai fait exactement le même numéro que la veille, à la virgule près, à la seule différence que je n'avais pas mon texte avec moi. Je récitais tout simplement les phrases, les unes après les autres, comme j'avais l'habitude de les lire, c'est-à-dire sans y mettre la moindre intonation. Comme un enfant du primaire qui fait un exposé oral.

Et cette performance a été un succès phénoménal. Les spectateurs trouvaient hilarante ma non-interprétation, pensant que je me forçais pour jouer ainsi, alors que c'était plutôt une absence totale de jeu. Plusieurs m'ont dit, après le spectacle: "c'est bon ton personnage". Et quand je répondais, le plus sérieusement du monde, que ce n'était pas un personnage, ils disaient "wow, tu décroches jamais!"

Ce soir-là, la conteuse vedette était aussi l'organisatrice des principaux festivals de contes à Montréal, auxquels elle m'a fait participer. Je suis même devenu le conteur maison du Vices et Versa, en plus de me produire dans des tas d'autres salles, à Montréal et en dehors. "Le Petit Justin" est rapidement devenu mon conte le plus populaire. Mais, si ce n'avait été de la contrainte du temps, je ne l'aurais probablement jamais refait après mon échec à L'Intrus.

J'ai toujours considéré que je n'avais aucun talent pour l'interprétation, mais que la qualité de mes textes compensait. Et, depuis l'an dernier, comble de l'ironie, je suis conteur dans un restaurant, où je raconte des histoires qui ne sont même pas écrites par moi. Le pire des deux mondes, donc, pour les spectateurs. Comme si on demandait à Luc Plamondon de chanter les chansons de Jean-Jacques Goldman. C'est sûr qu'il dirait non.

Mais moi, j'ai besoin d'argent. Alors c'est comme ça que je suis devenu conteur.

Thursday, October 9, 2008

As-tu du feu?

Quand quelqu'un, dans la rue, me demande si j'ai du feu, je me sens insulté. Parce que ça veut dire qu'à leurs yeux, j'ai l'air assez stupide pour fumer.

Monday, October 6, 2008

Barbe Rousse

Souvent, quand un important changement survient dans la vie d'une fille, elle change sa coupe ou sa couleur de cheveux, pour souligner la rupture avec sa vie précédente. Mais, avec une calvitie comme la mienne, le changement d'apparence ne relève pas du domaine capillaire.

La dernière fois que j'ai vu Nicolas, il avait perdu tous ses cheveux roux, à cause de la chimiothérapie. Ça me rassurait de voir un gars plus chauve et plus jeune que moi. Quand j'ai appris cet été que la cancer avait gagné son combat contre Nicolas, j'ai instinctivement cessé de me raser. Pour la première fois de ma vie, je porte maintenant la barbe.

Ce week-end, mes parents étaient de passage à Montréal. Comme j'ai les cheveux bruns, ma mère m'a demandé comment ça se fait que j'ai une barbe rousse. Et, sans y penser, j'ai répondu que c'était à cause de Nicolas.

Sunday, September 21, 2008

Les Ambulanciers Volontaires

Tout le monde a déjà entendu parler des pompiers volontaires. Mais connaissez-vous les ambulanciers volontaires? Il s’agit d’un programme mis de l’avant par le gouvernement suite aux récentes coupures dans le système de santé. Pour avoir moins d’ambulanciers à rémunérer, on fait appel à des bénévoles pour acheminer certains patients vers l’hôpital.

Vous en avez sûrement déjà croisé un, d’ailleurs. Ça vous arrive, pendant vos balades en voiture, qu’un autre véhicule surgisse derrière vous et vous colle au pare-chocs, vous forçant à accélérer? C’est un ambulancier volontaire! Évidemment, ils n’ont pas de gyrophares, alors ils font des grands signes pour qu’on se tasse et utilisent leur système de son en guise de sirène.

La plupart du temps, c’est des petits modeles sport - pour la vitesse - ou des pick-ups, des mini-fourgonnettes – pour l’espace, le confort. Souvent aussi, ils ont les vitres teintées, par souci d’intimité pour le patient. On les voit fréquemment dépasser par la droite et zigzaguer entre les autos sans avoir le temps de signaler. Quelle autre théorie expliquerait de tels comportements? Il n’y a aucun doute, ce sont les plus grand héros de notre époque; ils risquent nos vies pour sauver celle d’un étranger.

Mais voilà ou je veux en venir. Un ambulancier volontaire ne payera pas plus cher qu’un autre pour assurer son véhicule, même si son métier présente de grands dangers d’accidents. Toutefois, en 2002 au Québec, on discrimine encore les individus selon l’âge et le sexe.

Si t’es un gars, tu vas payer plus cher pour t’assurer; C’EST LA LOI! Et on explique ça par le fait que les hommes sont impliqués dans plus d’accidents que les femmes. Moi, je vous demande: si c’était l’inverse, que les femmes faisaient plus d’accidents que nous, pensez-vous vraiment qu’on leur chargerait plus cher? L’idée serait à peine lancée que tous les regroupements de femmes seraient déjà rendus devant le parlement avec leur pancartes, et ça se comprend.

Le pire, c’est qu’on n’en ferait pas d’accidents si ce n’était pas des femmes. Je m’explique. Quelles sont les causes d’accidents les plus fréquentes? L’alcool au volant? Le gars qui se soûle pour oublier que sa femme vient de le laisser - ou pire encore – qu’elle est encore là, il prend le volant; Bang! Nos assurances montent! La vitesse: le gars qui a hâte de se rendre chez sa blonde, ou qui se sauve de sa femme. Ou si la fille est avec lui dans l’auto, le gars veut l’impressionner, va un peu vite; Bang! Nos assurances remontent! La distraction: le gars qui regarde une belle fille sur le trottoir pis il rentre dans un autre char. Bang! Nos assurances montent encore! Et quand on a un accident à cause des conditions climatiques, c’est la faute à qui? Dame Nature!

On discrimine également selon l’âge. En bas de 25 ans, tu payes plus cher que les autres. Moi, j’ai 24 ans et demi. Qu’est-ce qui va se passer la veille de mon anniversaire à minuit? Une nouvelle terminaison nerveuse va se créer dans mon cerveau? Du même coup, je vais perdre mon penchant pour l’alcool, la vitesse et la distraction?

Au dernier référendum, il me manquait exactement 7 jours pour avoir le droit de vote. J’ai pas changé d’idée pendant la semaine! À 17 ans, j’étais au sommet de mon intelligence. Pourtant, à ce stade-là, j’avais les mêmes droits qu’un prisonnier. Les vieux séniles qui savent même pas qu’ils existent ont le droit de voter. Y’avait même des gens décédés sur la liste électorale. Les immigrants ont le droit de vote après avoir passé 5 ans ici. J’ai passé 17 ans et trois quart icitte!!!

Un gars de moins de 25 ans peut même pas s’acheter un véhicule récent tellement ça couterait cher en assurances. Ça fait qu’on est obligés de rouler dans des vieux bazous finis. C’est pas dangereux ça? La petite fille de 16 ans se promène dans son auto de l’année qui lui coûte rien pis en arrière t’as un gars de 24 ans et demi en lada. La fille ralenti brusquement pour laisser passer un ambulancier volontaire. Qu’est-ce qui se passe? BANG! Nos assurances remontent!

Dialogue avec un Cochon

Policier: Qu’est-ce qui s’est passé monsieur?

Moi: Si je me fie à mon auto, j’dirais que j’viens d’avoir un accident.

- Bon, on va devoir remorquer votre véhicule sur l’accotement. Parce que comme ça, c’est pas très sécuritaire.

- Ben oui, c’est tu bête hein? Me semble qu’en répétition, je l’avais mieux que ça.

- Êtes-vous la seule personne impliquée?

- Ben, j’pense qu’on pourrait impliquer l’animateur de radio, son goût douteux m’a forcé à mettre un CD pendant que j’étais dans une courbe, c’est dangereux!

- Vous êtes pas blessé? Pas besoin d’aller à l’hôpital?

- Ben, ça fait mal quand je respire...

- Attendez-moi, j’vais aller remplir le rapport. Appuyez-vous sur l’auto-patrouille et restez calme.

- Rester calme?!? J’viens de foncer dans un muret de béton à 130 km/h, pis en plus j’vas être en retard au ciné-parc!

- Pardon? Vous rouliez à combien?

- Euh... 100?

- OK, évitez de bouger votre cou, vous avez subi un impact à haute vélocité. Dites-moi quel jour on est.

- Je sais pas, je travaille de nuit.

- Quel mois?

- Juin, juin.

- O.K. Là, mon collègue va aller voir si le parapet a été endommagé. Si c’est le cas, vous allez devoir payer pour le faire réparer.

- Sur ma liste de priorités, c’est dans le top 200. Juste après la couleur de la margarine.

- Vous savez, ça fait 4 accidents au même endroit en moins de 24 heures, dont 2 accidents graves.

- Le mien, c’est tu un accident grave?

- Ben non, y’a pas de blessés.

- Au fait, pourriez-vous m’amener à l’hôpital? J’aimerais autant pas prendre de chances, ça a fessé fort.

- Vous voulez y aller maintenant? Vous auriez dû le dire tantôt, va falloir que je refasse un rapport, avec blessé.

- Avoir su que ça ferait autant de paperasse, j’me serais pas donné la peine de survivre...

- Connaissez-vous quelqu’un qui pourrait vous emmener à l’hôpital?

- Oui, un chauffeur d’ambulance.

- Les ambulances c’est pas des taxis, monsieur. C’est pour les vraies urgences.

- Ah, si j’avais pas eu d’accident aussi! Je pourrais y aller avec mon auto. Resterait juste à savoir dans quelle ville on est...

- Bon, OK. J’vas te l’appeler ton ambulance, ils vont être ici dans 5 minutes.

- Wow, j’suis vraiment gâté! Ça donne le goût de se planter plus souvent!

- Ça me fait penser à un accident semblable à ça l’été passé. Le gars sort du char pis il se promène comme si de rien n’était. J’lui demande s’il veut aller à l’hôpital. Il dit “Non, j’suis correct!”. Le lendemain, je reçois un téléphone; le gars était mort!

- Vous voyez, c’est un peu pour ça que je veux y aller.

- Mais c’est quoi qui s’est passé au juste?

- J’écoutais la chanson “Break, Dérape, Scrap Ton Char” du groupe “Mauvaise Influence”

- Quand c’est pluvieux comme ça, il faut rouler moins vite. Surtout quand c’est une route qu’on connait pas.

- Ouin, le mur me l’avait expliqué.

- En attendant l’ambulance, je vais vous faire subir l’alcootest. C’est la procédure normale.

- Ben, j’ai de la misère à respirez présentement.

- Vous refusez de coopérer? Vous êtes en état d’arrestation, tout ce que vous dites pourra être retenu contre vous. Vous pouvez exiger la présence d’un avocat...

Comment suis-je devenu auteur?

Au printemps 2002, l'École Nationale de l'Humour (ENH) a lancé un appel à tous dans les médias afin de combler une pénurie de candidats pour son volet "auteurs". À l'époque, je travaillais pour une quincaillerie. C'était mon premier emploi sérieux, et j'étais sur le point de le lâcher, parce que la routine me rend fou.

Je ne savais pas que l'École de l'Humour formait des auteurs. En fait, je ne savais même pas que le métier d'auteur humoristique existait. Ayant grandi en regardant Yvon Deschamps et RBO, j'assumais que, comme eux, tous les humoristes écrivaient leurs propres textes.

Ceux qui désiraient s'inscrire au volet "auteurs" de l'ENH devaient soumettre deux textes humoristiques, soit un monologue et un dialogue. Je ne me considérais pas doué pour l'écriture ni pour l'humour, mais je me suis quand même prêté au jeu, question d'ajouter un peu de suspense à ma vie hautement répétitive.

Je ne connaissais rien aux procédés humoristiques, alors j'y suis allé au pif, en écrivant sur des comportements que je trouvais stupides. J'ai soumis un monologue intitulé "Les Ambulanciers Volontaires", où je dénonçais les fous du volant, et "Dialogue avec un Cochon", inspiré de ma conversation avec un policier insensible, après que j'aie frôlé la mort dans un accident d'auto.

Quelques semaines plus tard, j'ai été convoqué à une entrevue. Dans ma tête, j'imaginais que l'École de l'Humour était euh... une école. Une grosse bâtisse verte dont l'entrée était le sourire géant d'un bonhomme Juste Pour Rire. Mais c'était en fait des locaux anonymes, au troisième étage d'un édifice à bureaux, et à peine plus grand que mon appartement.

En attendant mon tour pour l'entrevue, j'observe les photos de finissants sur les murs. La plupart des autres candidats, eux, se connaissent déjà. Ils parlent des humoristes de la relève, dont les noms ne me disent absolument rien. Et quand un enseignant ou un membre de la direction passe, ils les saluent comme s'ils étaient de vieux amis.

Parce que la majorité des candidats avaient suivi les cours du soir à cette même école, avec ces mêmes enseignants et sous cette même direction. Moi, je ne savais même pas que ces cours du soir existaient mais, apparemment, c'est pratiquement un pré-requis pour quiconque veut s'inscrire au programme régulier.

L'heure de mon entrevue arrive enfin. On me demande quels humoristes j'admire. "Yvon Deschamps et RBO". Ensuite, quels humoristes je trouve mauvais. "Les Denis Drolet, les Mecs Comiques, Dominic et Martin. Je devrais peut-être pas dire ça, j'ai vu sur les photos qu'ils étaient tous passés par ici..."

À savoir pourquoi je veux devenir auteur humoristique, j'explique que j'ai un excellent emploi en ce moment, très stable et très bien rémunéré, mais que je me fous de l'argent et que je vais bientôt démissionner, que je sois accepté ou non à l'ENH. Et l'intervieweur, lui-même auteur, me répond que si l'argent ne m'intéresse pas, l'écriture est le bon métier pour moi.

Sur plus de cent candidats, l'école en accepte un maximum de 12. Voyant que les autres avaient beaucoup plus d'expérience et de contacts que moi, j'estime mes chances à exactement 0%. Mais je ne me décourage pas. Je me dis que je vais m'essayer à nouveau l'année suivante et qu'en attendant je pourrai suivre les cours du soir. J'aurai aussi un an de plus pour amasser le fameux 7000$ qu'il en coûtait, à cette époque, pour suivre la formation à temps plein.

Le lendemain de l'entrevue, l'ENH m'appelle, pour me dire que j'ai été accepté. Et que ce n'est pas une blague.

Imaginez comment les autres candidats devaient être poches pour se faire battre par un employé de quincaillerie...

Saturday, August 30, 2008

Pascal et L'Affreux

En informatique, au Secondaire, on devait se placer deux élèves par ordinateur. Alors, le jour du tout premier cours, comme je ne connaissais personne dans le groupe, j'ai attendu que toutes les équipes soient formées avant d'approcher qui que ce soit. Comme ça, si le nombre d'élèves était impair, je ferais équipe tout seul, ce qui était le scénario idéal. Et si le nombre d'élèves était pair, je me retrouverais logiquement jumelé à l'élève le moins sociable du groupe, ce qui était le deuxième meilleur scénario possible. Et c'est comme ça que j'ai connu Pascal.

Pascal avait une grande passion dans la vie: les avions. Et il aimait aussi la guerre. Pourquoi? Parce que dans la guerre, il y a des avions. Il était membre des cadets, avait toujours la tête rasée et portait, même à l'école, des bottes d'armée, des pantalons de camouflage et des "dog tags". Et ses passe-temps consistaient à construire des modèles réduits d'avions, aller voir des spectacles aériens, écouter des films de guerre, etc.

Notre école avait instauré un quinze minutes de lecture obligatoire à chaque jour. Et, tandis que moi j'en profitais pour feuilleter des magazines remplis de mannequins en sous-vêtements ou en bikini, Pascal, lui, lisait sa propre pornographie, soit des revues sur les avions et sur la guerre.

Par le biais de notre jumelage informatique, j'ai réussi à m'infiltrer dans les partys de cadets que Pascal organisait chez lui, et même à y inviter d'autres de mes amis. Toutes les filles que mes amis et moi avons connues en dehors de l'école, c'est grâce à Pascal. Le seul problème, c'est que c'était toutes des filles qui trippaient sur les avions.

Un jour, Pascal, son père et son petit frère ont déménagé dans la région de Montréal, pour que Pascal puisse étudier à l'École Nationale d'Aérotechnique. Et je suis moi-même déménagé à Montréal par la suite (en janvier 1998, pendant la crise du verglas!), un peu grâce à Pascal, parce qu'il connaissait un cadet qui se cherchait un co-loc.

Le cadet en question était surnommé "L'Affreux". Faut dire que son nom était Lafrenière, mais même sans ça, le surnom aurait été approprié. L'Affreux avait deux perruches qui criaient sans arrêt et m'empêchaient de dormir. Mais, trois semaines après mon arrivée, il y a eu un incendie au rez-de-chaussée et la fumée s'est répandue dans tout l'immeuble. Quand je suis entré dans l'appartement, j'ai trouvé les deux perruches mortes asphyxiées, une sur le bord de la porte et l'autre sur le bord de la fenêtre.

L'Affreux était triste, mais pas moi. Il disait qu'il ne pouvait pas vivre sans animal domestique. Je lui ai donc suggéré d'acquérir un chat, ce qu'il a fait. J'étais allergique aux chats, mais pas autant qu'aux cris de ses maudites perruches.

Quelques mois plus tard, quand L'Affreux et moi sommes partis vivre chacun de notre côté, il voulait que je garde le chat, mais moi je n'en voulais pas, alors je l'ai refilé à mon frère, qui venait de s'installer à Montréal lui aussi, un peu grâce à moi (et, par extension, à Pascal).

Mon frère possède encore le chat aujourd'hui, plus de dix ans plus tard. Et le chat porte toujours le nom qu'on lui avait donné à l'époque, Pascal et moi, et qui était le nom d'une danseuse nue.

(à suivre...)

Wednesday, August 27, 2008

Mon troisième traumatisme

Celui-là, je m'en rappelle.

En bordure du terrain de jeu de ma première école primaire, mais d'un seul côté, il y avait une forte dénivellation vers le bas. Heureusement, des gens sensés avaient érigé une clôture dans cet escarpement, pour freiner la chute des enfants qui auraient la malchance d'y tomber et éviter ainsi qu'ils ne dévalent la pente au complet, pour terminer leur course contre le mur d'une des remises vertes qui se trouvaient plus bas, là où l'équipement d'entretien de l'école était entreposé.

Jeudi le 14 février 1985. Je suis en première année et c'est la Saint-Valentin. En bon enfant joyeux que je suis, je découpe des coeurs en papier rose et je profite de la récréation pour les distribuer aux autres élèves dans la cour d'école, en particulier à ceux qui semblent être tristes ou de mauvaise humeur.

Rapidement, ma tournée d'amour m'amène vers des garçons de deuxième année qui se chicanent. Je me fais aussitôt un devoir d'essayer de les calmer, même s'ils sont plus vieux que moi, en leur offrant mes coeurs magiques et en leur expliquant qu'il faut s'aimer en tout temps, mais encore plus aujourd'hui, puisque c'est la Saint-Valentin.

C'est à ce moment-là que le caïd du groupe, un dénommé Barbeau, s'est retourné vers moi, me rappelant de "fermer ma gueule", pour ensuite me pousser de toutes ses forces dans la pente qui était derrière moi. Et comme c'était l'hiver, il y avait de la neige par-dessus la clôture, ce qui veut dire que j'ai continué à dévaler la pente et à accélérer, jusqu'à ce que je frappe un mur. Littéralement. Le mur d'une des remises vertes.

Quand je me suis relevé, j'avais un bras cassé. La surveillante m'a amené à l'infirmerie où on l'a placé dans une écharpe, en attendant qu'on rejoigne mes parents, pour qu'ils viennent me chercher. Mais évidemment, c'était le seul jour de la semaine où ils étaient absents à cette heure-là. C'était jeudi, le jour de l'épicerie.

La secrétaire a essayé de me remonter le moral en me disant: "T'as quand même été chanceux dans ta malchance, c'est juste le bras gauche que tu t'es cassé. Au moins, tu vas pouvoir continuer à écrire et à dessiner." Et moi de répondre: "Je suis gaucher." Évidemment, puisqu'on se protège toujours instinctivement avec son bras dominant.

Cet événement a marqué la fin de mon innocence. Je n'ai plus jamais été le même par la suite. Le Dany joyeux et généreux était mort, pour faire place au Dany cynique et égoïste et à mon humour noir, toujours en vigueur près d'un quart de siècle plus tard.

D'ailleurs, je me suis inspiré de cette histoire pour écrire un de mes contes.

Mon second traumatisme

J'étais toujours un bébé, donc je n'en ai aucun souvenir.

Ma cousine jouait avec moi en me prenant dans ses bras, comme si j'étais une poupée. Une poupée qui seraient ensuite tombée par terre et dont la tête serait allée frapper violemment le sol.

Trois décennies plus tard, ma cousine se sent toujours coupable face à cet accident-là. Et elle m'en reparle pratiquement à chaque fois qu'elle me voit, ajoutant immanquablement qu'elle est surprise et soulagée de voir que je n'ai subi aucun dommage permanent. Mais est-ce vraiment le cas?

Tuesday, August 26, 2008

Mon premier traumatisme

Quand on vit un traumatisme, il arrive parfois qu'on bloque carrément l'événement en question de sa mémoire. Ça pourrait expliquer pourquoi je n'ai aucun souvenir de la fin des années 70. Faut dire aussi que j'étais juste un bébé à cette époque-là. Chose certaine, contrairement à mes oublis plus récents, ceux de ma petite enfance ne sont pas attribuables à la consommation d'alcool. Malgré qu'avec des parents irresponsables, on sait jamais...

Selon la version officielle, ma mère s'apprêtait à me donner un bain quand, tout à coup, mon frère s'est mis à crier à tue-tête, dans une autre pièce de la maison, question d'attirer son attention. Elle quitta donc la salle de bains, me laissant seul, assis dans quelques centimètres d'eau, pour aller voir ce que mon frère avait. En attendant son retour, j'ai décidé de pratiquer le nouveau talent que je m'étais découvert, celui de me lever sur mes jambes.

Une fois debout, sachant que je ne pouvais tenir dans cette position que quelques secondes, j'ai cherché un objet auquel m'agripper. C'est à ce moment-là que j'ai remarqué le boyau de la douche téléphone, qui pendait devant moi, et que je m'y suis accroché. La pomme de douche s'est aussitôt décrochée sous la force de mon poids, et elle est allée cogner sur la manette d'eau chaude, la faisant couler à fort débit. Au même instant, je suis retombé et mon visage s'est retrouvé sous le jet d'eau brûlante.

En entendant mon cri de mort, ma mère est enfin revenue. Quand elle est arrivée, j'avais déjà la moitié de la tête brûlée et des lambeaux de peau qui me pendaient du visage. À l'hopital, les médecins craignaient initialement que je perde l'usage de mon oeil gauche, mais au bout de quelques jours, ce scénario a été écartée. Vous pouvez voir des photos de moi avec mes bandages ici.

Cette histoire explique peut-être pourquoi je suis bizarre aujourd'hui.

Sunday, August 24, 2008

Nicolas et moi

Il y a quatre ans, en attendant que ma carrière décolle, j'arrondissais les fins de mois en achetant et en revendant des vieux jeux vidéo par internet. À l'époque, sur Ebay, j'étais le deuxième plus gros vendeur de jeux Sega au Canada. J'avais des clients partout dans le monde, mais surtout aux États-Unis (le dollar canadien valait beaucoup moins cher dans ce temps-là, ce qui avantageait les Américains).

Quand un client de la grande région de Montréal m'achetait des jeux, il préférait presque toujours passer les chercher plutôt que de payer pour la livraison (l'essence valait beaucoup moins cher, elle aussi, dans ce temps-là). Un jour, j'ai eu un client qui habitait à Richelieu. Saint-Jean-sur-Richelieu? Saint-Marc? Non. Richelieu tout court. Il paraît que ça existe.

Ce client, qui s'appelait Nicolas, m'a donc contacté pour me demander si son père pouvait passer chercher les jeux chez moi. Évidemment, j'ai accepté. Et c'est comme ça que j'ai rencontré le père de Nicolas avant de le rencontrer lui-même. Mais on a continué à communiquer.

J'ai appris qu'il était étudiant. Et lui, que j'étais auteur. Ça l'intriguait. Je l'ai invité à venir voir le cabaret littéraire auquel je participais. Et en bon vendeur que j'étais, j'allais apporter d'autres jeux pour qu'il me les achète. Je lui ai donc demandé de m'envoyer une photo, afin que je puisse le reconnaître, ce qu'il a fait. Oh boy! Ça fessait. Il m'a expliqué que c'était une vieille photo et qu'il faisait moins dur aujourd'hui, quoiqu'il était toujours roux.

Le soir venu, un dimanche, j'arrive d'avance, comme toujours. Peu de temps après, je vois entrer un jeune homme nerveux. C'était clairement lui. Il était mineur mais, apparemment, quand tu mesures 6 pieds 2, t'as pas besoin d'attendre d'avoir 18 ans pour aller dans les bars. Il savait sûrement que j'étais celui qu'il cherchait mais, comme on souffrait tous les deux d'une timidité excessive, il a fallu plusieurs minutes avant qu'on se présente.

Nicolas a tellement aimé le cabaret littéraire qu'il s'est mis à y aller régulièrement, et à y traîner de plus en plus de ses amis, jusqu'à qu'ils composent la majorité des spectateurs. Il aimait mon style, et il a continué à venir me voir performer, un peu partout à Montréal, pendant des années. Jusqu'à ce qu'il parte pour la France, en fait. Et qu'à son retour, il tombe malade. Et qu'il meurt.

J'ai un gros spectacle en décembre. Le plus gros de ma vie, en fait. C'est sûr que Nicolas serait venu me voir. Alors, quand j'ai appris qu'il était mort, j'ai décidé qu'à ce spectacle, je ferais son numéro préféré et qu'en présentant ce numéro, je raconterais aux gens qui était Nicolas.

J'ai hâte, mais ça risque d'être difficile.

L'injustice de la mort

Quand quelqu'un que je connais meurt, je n'arrive jamais à le réaliser vraiment. J'ai toujours juste l'impression que c'est un canular de très mauvais goût et que la personne va revenir éventuellement. À date, mon parrain, deux de mes tantes et tous mes grands-parents sont morts. Mais, pour moi, la mort de Nicolas était plus marquante. Probablement parce qu'il était plus jeune que moi. 10 ans plus jeune. Il venait d'avoir 21 ans. J'en aurai 31 bientôt.

À 21 ans, je n'avais aucune idée de ce que je voulais faire dans la vie. Je venais juste de quitter mes parents pour aller tenter ma chance à Montréal, où j'ai erré d'un emploi à l'autre, jusqu'à ce que je trouve ma voie. C'est à 24 ans que j'ai décidé d'aller à l'École de l'Humour. Et encore, c'était plus pour essayer du nouveau que pour en faire un métier. J'ai seulement commencé à en vivre cette année.

Depuis la mort de Nicolas, on dirait que je me sens un peu coupable d'être encore là. Pourquoi je mériterais une vie 10, 50, 75 ans plus longue que la sienne?

C'est frustrant de voir que des gens au comportement auto-destructeur - junkies, ivrognes, méga-obèses, fumeurs - vont vivre plus longtemps que lui. Et d'autres, en parfaite santé physique, vont choisir de s'enlever la vie. Ces années auxquelles ils vont renoncer, Nicolas aurait bien voulu les avoir.

De toute façon, il n'est sûrement pas mort pour vrai. Ce serait trop absurde.

Mais j'y ai presque cru, Nicolas. Sacré farceur!

Ma voisine de droite

J'ai vécu au-dessus d'un an dans mon appartement avant de voir ma voisine de droite pour la première fois. Je revenais du restaurant du coin, une poutine italienne à la main. Avant, je prenais toujours la poutine régulière, jusqu'au jour où ils ont remplacé la sauce à poutine par une sauce qui goûte la charogne, question que les clients commandent plutôt la poutine italienne, qui coûte un peu plus cher.

Donc, je montais l'escalier qui mène à mon appartement et, par le plus malheureux des hasards, ma voisine de droite était sur son balcon. Comme je m'apprêtais à manger, je ne voulais pas regarder cette masse immonde trop directement. Non seulement pour ne pas perdre mon appétit, mais aussi pour éviter que ma poutine refroidisse, au cas où ma voisine de droite aurait autant d'insignifiances à partager que mon voisin de gauche.

Une fois devant ma porte, je sors mes clefs et j'essaye de trouver la bonne et de débarrer ma porte au plus vite pour éviter la confrontation. Au même moment, ma voisine de droite marmonne à elle-même: "Ah, c'est lui mon nouveau voisin..." Je fais semblant de rien. J'aime pas ça les gens qui se parlent tout seuls. Même si, en général, j'aime mieux ça que les gens qui me parlent.

Ensuite, elle dit d'une voix forte et sur un ton autoritaire: "Eille, toé, viens icitte!" Le contraste est tellement bizarre que je ne peux m'empêcher de regarder en sa direction. Et c'est à ce moment-là que je vois qu'elle a un chat et que c'est à lui qu'elle parlait. Elle me dit: "Désolée, je voulais pas te faire peur." Puis, enfin, j'entre chez moi.

Le lendemain matin, je me fais à déjeuner dans la cuisine, quand j'entends du monde jaser. C'était ma voisine de droite et mon voisin de gauche, qui parlaient de chaque côté de ma fenêtre, qui était grande ouverte. Et ils parlaient de moi. Ma voisine de droite racontait à quel point je n'avais pas de classe, de respect, de savoir-vivre et mon voisin de gauche lui expliquait que j'étais gentil mais simplement très gêné.

Et moi, j'ai arrêté de me faire à déjeuner, le temps que cette conversation surréelle se termine, ma voisine de droite déclarant: "Si jamais je suis en détresse, j'irai pas chez eux pour demander de l'aide certain!"

Une autre bonne nouvelle.

Mon voisin de gauche

Je le connais bien, mon voisin de gauche. Je le connais... bien malgré moi. À chaque fois que je sors de mon appartement, ce qui est quand même assez rare, il sort au même moment du sien, comme par hasard, et me fait la conversation. Déjà que par son poids, il est difficile à ignorer ou à contourner, en plus son appartement est situé entre le mien et l'escalier, ce qui fait de moi l'otage idéal.

Je commence à me demander s'il ne passe pas ses journées entières à écouter mes allées et venues à l'aide d'un stéthoscope collé au mur, et à se chercher un prétexte pour sortir en même temps que moi, question de me raconter les derniers détails croustillants de ses opérations aux genoux.

"Je l'entends, il prend sa douche! Ça veut dire qu'il va sortir bientôt! Vite, je dois trouver quelque chose à jeter dans la poubelle du balcon, si je veux lui bloquer le chemin. Il n'y verra que du feu! Faut absolument que je lui annonce que je me suis acheté un petit chien mongol..."

La dernière fois, c'était pour me dire qu'il déménageait. Il s'est chicané avec sa femme. Je sais pas comment elle a fait pour l'endurer aussi longtemps. Moi, je le vois peut-être deux fois par semaine, et ça fait longtemps que je suis tanné. Je gage qu'ils se séparent à cause du petit chien mongol qu'il vient d'acheter.

Je vais enfin être libre de sortir de chez moi sans craindre d'être attaqué.

2008: la mort d'un fan, la naissance d'un neveu

Si mes parents étaient en ville hier, c'est parce que mon frère organisait un shower pour la naissance prochaine de son fils. J'étais invité moi aussi, mais je n'y suis pas allé. Mêmes les cousines des États se sont déplacées pour l'occasion. Et moi qui habite sur la même ligne de métro que mon frère, j'ai préféré rester assis devant mon ordi.

J'évite les réunions familiales. J'évite les gens en général. Je ne les comprends pas et ils ne me comprennent pas non plus. Déficience sociale.

Saturday, August 23, 2008

Le blogue d'un mort

Mardi soir dernier, j'arrive chez moi après une longue journée de brainstorm, la première depuis belle lurette. D'un geste machinal, je dépose ma casquette sur mon portemanteau, qui sert surtout de portecasquette, et j'appuie sur le gros bouton rond qui donne la vie à mon meilleur ami, 886, mon ordinateur.

Je l'ai appelé comme ça, parce que je l'ai acheté le 8 août 2006 (8-8-6) et parce que les ordinateurs pré-Pentium s'appelaient 286, 386 et 486, selon leur puissance (ou manque de puissance, en rétrospective). Je donne toujours un nom à mes ordinateurs. Le précédent c'était Dotcom et l'autre d'avant s'appelait Penty, parce que c'était mon premier Pentium.

Si vous ne l'aviez pas deviné, je suis un nerd.

Donc, je me branche sur Messenger pour voir si j'ai des e-mails (je déteste le mot "courriel"). Comme à l'habitude, quelques publicités et quatre messages qui essaient de me convaincre que je suis l'héritier d'un millionnaire du Burkina Faso. C'est la nouvelle mode, faut croire. Ils ont changé de stratégie quand ils ont compris que je ne voulais pas faire grossir mon pénis.

Ensuite, je vais faire un tour sur mon blogue. Tiens, quelqu'un a laissé un commentaire sur mon dernier billet. Sûrement le classique "Please click here. And here." Les commentaires sont tellement rares sur mon blogue, que même les spams sont bienvenus. Je ne les efface jamais.

Mais non, surprise, c'est un commentaire de Matthieu avec deux "t", un auteur que je n'ai pas vu depuis longtemps et qui dit simplement "Peux-tu m'écrire à mon adresse personnelle, s'il-te-plaît? Je ne suis pas certain d'avoir ton courriel... Merci." Comme toujours, je me mets à me poser toutes sortes de questions, à m'imaginer toutes sortes de scénarios. La dernière fois que je l'avais vu, il m'avait parlé de refaire une soirée avec les anciens du cabaret littéraire, c'est sûrement de ça qu'il veut me parler...

Je lui envoie le e-mail suivant, pour qu'il puisse me contacter : "Salut Dobble-Tee, j'ai juste une adresse et c'est celle-là. Tu veux m'envoyer des bêtises?" J'essayais d'être chummy, juste au cas. Je ferme 886 et je vais me coucher. Matthieu est un oiseau de nuit, alors j'aurai sans doute une réponse à mes questions en me levant le lendemain matin.

Et comme de fait, mercredi matin, j'avais un message de Matthieu. "Salut Dany. Malheureusement, ce sont de mauvaises nouvelles que je t'envoie. La mère de Nicolas m'a écrit parce qu'elle cherche à communiquer avec toi. Voici son message":

«Je me présente, je suis la mère de Nicolas, que vous avez sûrement déjà rencontré aux Auteurs du dimanche. J'essais de rejoindre Dany mais il n'y a pas d'adresse courriel sur son site. Malheureusement, je dois lui annoncer que mon fils Nicolas est décédé le 1er août dernier du cancer.

J'ai rencontré Dany ce printemps, au théâtre Corona avec Nicolas, lors d'un enregistrement d'émission. Nicolas communiquait avec Dany. Je dois aussi vous dire aussi que Nicolas aimait beaucoup vos livres et il les achetait tous. Pourriez-vous faire le message à Dany s.v.p. ? Je vous remercie à l'avance pour cette délicatesse.»

Je m'étais toujours demandé comment je le saurais si Nicolas devait mourir, puisque je n'étais pas en contact avec sa famille ni avec ses amis. J'avais seulement des nouvelles de lui quand je lui parlais sur Messenger ou quand il mettait du nouveau sur son blogue ou son Facebook. Et ça faisait plus d'un mois que Nicolas avait disparu du cyberespace.

J'annonce la nouvelle sur mon blogue, avant de partir pour une autre journée de brainstorm. Je viens d'apprendre que mon fan #1 est mort et maintenant je dois essayer de trouver des jokes. C'est ça la vie d'auteur.

Et finalement, en ce samedi après-midi, en attendant la visite de mes parents, je vais sur le premier blogue de Nicolas, celui que je n'ai jamais vraiment lu, constatant que tout ce qu'il me reste de lui, ce sont ses écrits. Et en voyant à quel point il mettait ses tripes dans ses textes, je trouve ma façon d'écrire trop terne et je décide de donner naissance à ce nouveau blogue.